
TABLEAU DE CHASSE
Scopitone 2011 : du J.Daniels, des paillettes, de la popote
Rencontre avec Hudson Mohawke, Is Tropical, Discodéine
Parce qu’ils ne sont que très rarement de passage à Nantes, ni une, ni deux : Une rencontre s’imposait. Et ce n’était pas gagné d’avance. Le chemin qui menait aux artistes étant semé d’embà »ches, le festival s’est alors mué en véritable chasse-à -l’homme rythmée par des rencontres captivantes. Hudson Mohawke, Is Tropical, Discodéine...Ou le récit d’une partie de chasse pas comme les autres.
Jour 1 : Jeudi 12 octobre au Pôle étudiant. La soirée est prometteuse, et pour cause. Le premier à poser un pied sur scène s’appelle Hudson Mohawke, aka Ross Birchard. Ce Dj et producteur d’Outre-Manche est un prodige. Hudson Mohawke ne se dévoile que peu souvent en interview et des zones d’ombres demeurent sur le personnage. Alors, il fallait que l’on sache une bonne fois pour toutes. Au fond, qui est vraiment Ross Birchard ?
Hudson Mohawke : Passion Bourbon
On peut dire que Ross n’a pas chaumé : Dès ses 14 ans, il est le plus jeune des finalistes au championnat international de DJs Hip-hop, le DMC. Aujourd’hui, à seulement 25 ans, il est signé sur le label anglais Warp Records, mais est également à la tête du label LuckyMe qu’il a fondé avec ses potes de Glasgow, il y a de cela quatre ans. Et pour écouter sa musique, rien de plus simple : Hudson a déjà huit EPs et un album Butter à son palmarès, sur lesquels foisonnent des tracks précisément subtiles, pointues, à la croisée du dubstep, du hip hop et de l’électro. Résultat final péchu et rafraîchissant. Il suffit que l’on s’y penche pour succomber. Quand Hudson Mohawke passe au Pôle étudiant, cela donne un mix très hip-hop, des beats qui vont crescendo, et une ambiance qui suit le mouvement. Pourtant, malgré la chaleur de son live, l’écossais s’avère être un solitaire qui se volatilise en pleine nature après avoir quitté la scène. Je me lance dès lors dans une traque sans relâche de l’animal égaré dans les bois, une fois la nuit tombée.
Il développa un certain penchant pour la musique en samplant sa Mégadrive et sa Playstation en écoutant des dj’s rave hardcore.
Après avoir sillonné plusieurs fois le campus, je l’aperçois discrètement camouflé entre des bosquets. Hudson passe des coups de fils. Au même moment, deux groupies le dévisagent en attendant de prendre une photo avec leur idole. Je l’arrache donc à cette situation désobligeante en lui proposant une interview, avant qu’il ne s’évade à nouveau. Trente minutes plus tard, j’ai le cœur grenadine. Nous venons d’avoir une conversation au cours de laquelle j’ai appris ceci : Ross a grandi à Glasgow, et vit actuellement à Londres. Parce que son papa est DJ, le petit Ross était plutôt prédestiné : il développa un certain penchant pour la musique en samplant sa Mégadrive et sa Playstation, et en écoutant des dj’s rave hardcore ( DJ vibes ou Scott Brown) qu’un cousin un peu punk lui avait fait connaitre à l’age de onze ans - la crise d’adolescence. Aujourd’hui il aspire à bosser aux côtés de Busta Rhymes, Diplo ou Kanye West, ce qui ne saurait tarder étant donné que Kanye West l’a récemment contacté... Affaire à suivre.
Il faut surtout dire que HudMo a du goût : Il préfère le whisky à la bière, question de palais raffiné. Il préfère le foot au rugby, et ce depuis sa plus sa tendre enfance, puisque Hudson jouait souvent au foot avec ses petits camarades à Glasgow. « La bas, tout le monde joue au foot, c’est presque obligatoire. » Question de religion. Enfin, il préfère la ville d’Hyères à Paris. Pour lui, la Provence est synonyme de premières vacances, premiers amours, voire première pétanque. Il nous avoue préférer les calanques aux salles de concert parisiennes. Question de romantisme. Hudson aime les choses simples, finalement.
Is Tropical : « Mon instrument préféré, c’est les paillettes »
Jour 2 : Vendredi 14 octobre, la course-poursuite continue à la friche électro, dans les Halles Alstom sur l’île de Nantes. Déception à mon arrivée, lorsque je constate l’absence d’installations numériques, ayant pu faire intervenir le spectateur de façon ludique, comme les années précédentes dans ce même lieu…Où sont donc passées les promesses du festival ? Ont-elles délaissé la friche numérique à tout jamais ?
Mis à part quelques panneaux de vidjing se battant tristement en duel, rien. Zéro. D’autant que ces halles seront réhabilitées intégralement en 2013. Dommage, donc, pour ce dernier Scopitone à la Friche électro. Il suffisait de marquer le coup, une dernière fois. Passons. Nous sommes vendredi, il est 23h. Après avoir vu SebastiAn (artiste-à-tendance-égocentrique-projetant-son-faciès-sur-écran-pendant-tout-son-show), Is Tropical arrive sur scène, à visages cachés - une vieille habitude lors de leurs interventions en public.
Dominic, Simon et Gary sont trois styles capillaires virant du blond platine au noir corbeau, mais ils sont aussi de vieux amis londoniens signés sur Kitsuné. D’abord appelés Wizard Lords, ils ont raisonnablement opté pour Is Tropical depuis 2009. Ouf. Leur très réussi album Native To est sorti en juin 2011. On retrouve notamment le chouette titre The Greeks, connu pour son clip réalisé par Megaforce. Is Tropical c’est de la musique à base d’hymnes puissamment énergisants, de mélodies pop délurées qui vous prennent littéralement d’assaut, et de rythmes frais et colorés. En fait, Is Tropical est schizophrène : anarchique et turbulent, mais aussi profondément soigné. Mais c’est sur scène qu’on découvre une cohérence paroxystique entre le groupe, leur attitude, et leur musique.
Une fois leur concert terminé, j’ai rencontré Gary, Dominic et Simon dans les loges. Ils étaient ambiancés, certainement un peu guillerets. Cela a donné une interview orientée private joke dans laquelle il convient de distinguer le vrai du faux.
Fragil : Depuis votre passage aux Transmusicales en décembre 2010, que s’est-il passé ?
Simon : On a fait beaucoup de dates, dans plus de cinquante villes, pour la tournée des Klaxons en France…. Ou que l’on soit, on a vraiment kiffé toute cette tournée...
Dominic : J’ai même appris à faire de la confiture !
Simon : Et là on part dans deux jours aux Etats-Unis pour un Us tour…
Fragil : Outre la guitare, la basse, les synthé et la batterie, vos autres instruments de prédilection sont…
Simon : Le piano…
Dominic : Un pinceau… Gary, lui, c’est le scapel.
Gary : non, moi, c’est plutôt les paillettes !
Fragil : Vos guides spirituels ?
Dominic : Mon grand-père. Il est décédé, mais c’est vraiment mon guide, il me suit et il suit Gary aussi !
Simon : Un indien, un peau rouge, je l’ai rencontré en France, il s’appelle « vole-avec-les-aigles », et depuis, il veille sur moi...
Les Is Tropical, particulièrement en forme ce soir-là, ont poursuivi en dévoilant deux jolies facettes de Gary, révélées en off : Gary a un talent, voire une petite passion. Il fait des bulles de salive avec sa bouche. C’est mignon, me direz-vous. Oui, mais ça l’est beaucoup moins lorsque, par la suite, Gary nous avoue avoir déféqué dans son pantalon en plein concert.
Malgré l’insistance du groupe pour continuer notre conversation et nous livrer d’autres anecdotes pleines de charme, l’interview fût écourtée à notre grand dam par un organisateur du festival. Rideau. Fini la rigolade.
Discodéine : "Cuisiner en embrassant sa nana, sur du Baxter Dury… »
Jour 3 : Samedi 15 octobre. Dernière étape de ma traque-Scopitone, à la Friche électro. Encore beaucoup d’artistes au programme, notamment Danger, qui a offert de jolis visuels peaufinés, pendant son live, (contrairement à SebastiAn) ou encore Madeon (sans commentaire)... Bref, j’en passe et des meilleurs, puisqu’il y avait surtout Discodéine.
Discodéine est composé de deux jeunes français, Cédric (aka Pilooski) et Benjamin (aka Pentile) qui produisent une pop/disco/électro. Une ambiance unique émane de leur premier album Discodéine : L’écouter, c’est pénètrer dans un univers plein de poésie, de mystère. C’est suave, c’est dansant, c’est classe. Leur live s’est révélé musicalement parfait et parfaitement entrainant. Il faut dire que Cédric et Benjamin ont acquis du savoir-faire depuis leur première date au Point Éphémère à Paris, en Février dernier. Leur passage à Scopitone fût le concert le plus réconfortant de la soirée : viande saoule-côté public, mais petit bijou-côté scène.
Puisque le live de Discodéine s’achève, je pars à nouveau chasser le groupe. Deux heures d’attentes pendant lesquelles aucun membre de l’organisation n’a su me dévoiler la cachette des Discodéine. Ah ? Finalement, j’apprends qu’ils seraient au bar avec des amis. J’y cours. « Par contre, il est tout seul » me dit-on. Entre-temps, nous aurions perdu Cédric (Pilooski) rentré à l’hôtel pour des raisons encore indéterminées... Déçue, je ne renonce pas : L’interview se fera en tête-à-tête, avec Benjamin (Pentile). Je lui demande de me confier sa (leurs) vie(s).
« Pour résumer nos vies depuis notre premier live au Point Éphémère –qui reste vraiment notre date préférée-, on a fait beaucoup de festivals cet été, avec des dates plutôt « classiques », et d’autres plus expérimentales, par exemple à la Villette Sonique , où l’on a rassemblé une harpe et un cristal baschet en backband... Et fin octobre, on s’envole jusqu’en Amérique Latine, où l’on est programmé. C’est surprenant de constater que l’on peut avoir de la résonance à l’autre bout du monde ! Côté studio, on continue de produire des sons : Cela fait quelques mois aussi qu’on est en pleine préparation du deuxième album, à vrai dire on a commencé à bosser dessus juste après la sortie du premier, on voudrait vraiment sortir le second très prochainement... »
Quant à leur façon de vivre leur musique, Discodéine se considère plutôt hiboux des studios que bêtes de scène car ils produisent des morceaux parfois trop complexes pour une retranscription scénique- m’avoue Benjamin. Je n’en doute point : quand l’on entend la finesse de leur morceaux, le live peut paraître compliqué. Pourtant, Le live révèle tout autant de splendeur, avec des versions très rythmiques donc plus entraînantes.
Et quand Discodéine ne fait pas du Discodéine, qu’écoutent-ils pour se délecter les oreilles ?
« Mes artistes du moment ? Je dirais Timber Timbre, Connan Mockasin et Metronomy. Cédric et moi on s’inspire aussi beaucoup d’Ennio Morricone, et de toutes les musiques un peu barrées, en général... » Et quand il s’agit d’écouter quelque chose avec sa nana, Benjamin nous recommande l’un des albums de Baxter Dury. Effet garanti, selon lui...
Maintenant que lumière est, quelques suggestions s’imposent :
Dans un premier temps, il semble nécessaire de se procurer l’album de Discodéine chez votre disquaire préféré. Puis, dans un second temps, vous pourrez commencer par écouter trois morceaux dont Discodéine sont -à ce jour- les plus fiers, dixit Benjamin :Singular, Homo-Compatible et Figures In A Soundscape. Des recommandations qui devraient en satisfaire plus d’un lors d’une première approche. Tout de même, j’en ajouterais une troisième, teintée d’exotisme, avec Falkenberg, autre track hypnotique et enivrante, concentrée en cymbales et autres synthé, et ça sent bon la noix de coco.
Finalement, Cédric et Benjamin se sont bien trouvés : Ils sont deux talents purs qui cacheraient même d’autres talents, plus enfouis... « J’adore cuisiner ! ». déclare Benjamin « Je sais très bien imiter des gens aussi ! ».
Pour le moment, nous nous contenterons du deuxième album prometteur en prévision. Le stand-up attendra.
Rédaction : Pauline Bataille
Photos : Sidney Le Bour
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