
INTERVIEW GONZO
Seams : house party
Scopitone 2011 au Pôle
Scopitone le jeudi... c’est le lendemain de l’ouverture. Et c’est vide ! Il en faut plus pour décourager les agitateurs de foule au Pôle Etudiant. Dels, Hudson Mohawke, Elektrisk Gonner et Seams. C’est justement ce jeune producteur anglais, influencé par le rock et voisin des Four Tet, Warp et toute l’électro anglaise qui a attiré l’attention de Fragil. Qui l’interroge sur ses prochains travaux.
Arrivé en plein set d’Hudson Mohawke, je m’engage dans un Pôle étudiant chaud. Moins chaud pour apprécier le prodige signé sur le label Warp Records, que par rapport à l’atmosphère étouffante de la salle. Etonnant, pour un show aussi tristement vide. Mais « HudMo » ne déçoit pas et délivre un mix mêlant R&B, basse anglaise et ce petit je-ne-sais-quoi qui te chuchote que oui, ça vient de Warp ! Et au moins, quand il y a peu de monde, l’artiste est accessible. D’anecdote, HudMo confie qu’il a été repéré par Warp via myspace (les beaux jours du réseau, en 2006…) et qu’il sortira un prochain album sur le label début 2012.
Bonjour, vous êtes bien James Welch ?
La suite de la soirée est prometteuse. Seams se prépare pour jouer à 22h30. C’est un jeune producteur électronique, baigné dans la culture pop-rock britannique. Le genre qui te fait passer des émotions droit dans la nuque, te prend par la main et t’emmène dans un univers personnel chatoyant. Son dernier EP sur Pictures Music, Focus Energy/Motive Order, a été très acclamé par la scène house britannique d’où il est originaire.
Enfin bref, il était incontournable !
Grande anicroche et petite table
Sorti du Pôle étudiant, arrivé au bar du TU en avance, je le vois. Penché contre le bar, il est seul. Coup d’œil à droite, coup d’œil à gauche. Je vérifie et interpelle : « Bonjour, vous êtes bien James Welch ? ». Son visage s’illumine, gagné. Il joue dans pas longtemps, on papote. Et en quelques minutes, je réalise : ce jeune homme, jean-basket, barbe volontairement mal rasée, coupe de cheveux déroutante, n’a jamais fait autre chose que sourire. Une aura de calme et de sympathie l’entoure en permanence. Mais le bougre est dynamique et nous a mixé un cocktail explosif.
La grosse anicroche, c’est l’endroit. Le bar du TU n’est pas vraiment adapté pour danser, pas plus que le succédané de table accordé à Seams pour mixer. Il relève le défi avec brio, et joue au passage 3 pistes exclusives.
Toujours positif, le fait d’avoir pu parler avec quelques intéressés après sa représentation l’enthousiasme : « Je perdrais mon temps si je ne faisais que jouer. Parler avec mon audience, c’est quelque chose que j’aime beaucoup faire ». Après nous être laborieusement installés, avoir entamé les présentations déjà bien consommées, j’attaque le plat :
Fragil : Tu t’appelles James Welch, tu as 22 ans, tu es originaire du Royaume-Uni, tu as fait 3 ans d’études en ingénierie du son… Quel « genre de musique » produis-tu ?
Ah, cette question… Des gens à la fin de mon show disent que je fais de la techno, d’autres de la house, d’autres de la trance… Au final je ne sais pas ce que je fais, donc je dis juste « electro ». Le genre n’a pas vraiment de sens, je trouve.
Fragil : Quelles sont tes influences, qu’est-ce que tu écoutes ?
En réalité, pas tant d’électro que ça. J’aime le travail de la scène de Londres et Bristol, mais j’ai grandi avec les « guitar band » du genre Pink Floyd, King Crimson … Je faisais beaucoup de guitare plus jeune, moins depuis que je produis de l’électro. Je l’utilise encore pour mes remixes, je m’enregistre aussi de temps en temps.
Fragil : Tu viens de citer Bristol. C’est un des poumons européens de la musique house et électronique.
Oui, il y a beaucoup de bons musiciens à Bristol. Mais je pense que contrairement au passé, la ville d’origine a moins d’influence sur la musique, comme ça a été le cas avec Detroit, Chicago…
Fragil : Oui, Internet dilue les particularités régionales, même musicales... Et tu as déjà joué en France, avant le Scopitone ?
Oui, une fois à Paris, au Social Club, avec un groupe, « La Roux ». Mais c’était… (il baisse son pouce, rires)
Fragil : Au Social Club ? C’est une place forte de la musique électronique en France. Et la légendaire Fabric de Londres, alors ?
Je n’y ai pas encore joué. Mais j’espère qu’un jour...
Fragil : Et si tu détaillais tes productions ? Tu as d’abord sorti un single sur le label Tough Love Records, Nightcycles, construit autour d’un piano…
J’avais réalisé ce morceau en Décembre 2009 : à l’époque, je l’avais mis en téléchargement gratuit. Tough Love Records l’a ensuite écouté sur Lastfm, ils m’ont contacté, et 5 mois après, le single et ses remixes sortaient sur ce label, en version digital et vinyl (tous vendus actuellement)
Fragil : Tu connaissais les artistes qui te remixaient ?
Non, ils ont été engagés par Tough Love. Ce sont tous devenus des amis après coup. Le seul que je n’ai pas encore eu l’occasion de voir véritablement est D’eon. Et pour cause : il vient du Canada.
Fragil : Pour Tourist, l’EP qui a suivi, tu t’es inspiré de ton voyage à Berlin, peux-tu m’en dire plus ?
Ce sont les sons que j’ai entendu dans les rues de Berlin l’été qui ont influencé ce que j’ai produit, tout simplement ! Mon EP est dédié à ce voyage, d’où le nom Tourist.
Fragil : Ce voyage remonte à quand ?
C’était de Mai à Août 2010. Tourist est sorti un peu plus tard, en Novembre, sur Pictures Music. J’ai connu Matt Chlebek, un des deux gars qui gèrent le label, via un stage au label Warp qu’on a fait en même temps. Lui et Alex ont une oreille, ils savent repérer les producteurs avec du potentiel. Koreless, Dauwd, Lapalux… Les musiciens signés sur ce label sont excellents.
Fragil : C’est sur ce même label que tu as signé Focus Energy/Motive Order...
L’idée que j’avais pour ce maxi était de partir d’un même échantillon vocal pour réaliser deux pistes différentes. C’est la première fois que j’utilisais une voix pour une de mes pistes.
Fragil : Parle-moi de ton prochain EP, tu l’évoques via plusieurs interviews sur le net mais rien de clair… Tu as joué 3 exclus ce soir, quand même.
Ce sont encore des demos, et il faut que je finisse les 5 pistes d’ici deux semaines ! C’est carrément stressant. Il reprendra des éléments de Tourist et de Focus Energy, avec un concept différent. Je n’aime pas faire deux fois la même chose. Je fais en sorte que mes productions aient une même racine : celui-ci sera dédié au temps que j’ai passé au Hampshire, où j’ai vécu une partie de ma jeunesse, quand j’étais cloîtré dans ma chambre. Dans cet EP, je mêlerai ma voix –mais simplement le son- dans quelques-unes des pistes. Je ne l’ai encore jamais fait.
(Fragil : Entre temps, le staff lui donne un papier où il doit indiquer le nom des pistes qu’il vient de jouer. Des titres inconnus apparaissent, ses nouvelles productions.)
Fragil : Il faut que je note ces nouveaux noms.
Il y a à peine une semaine, c’était encore « 1, 2, 3, 4 » (rires) Et je n’ai pas encore déterminé quel nom je leur donnerai au final.
Fragil : Donc tu sortiras un 4ème maxi. Toujours pas d’album long de prévu ?
J’insiste pour créer un lien, une trame cohérente dans chacune de mes sorties : mon voyage à Berlin, un sample vocal similaire… Ca me paraît difficile de tenir un concept sur autant de temps que dans un LP. C’est paradoxal, car je préfère écouter un album plutôt qu’un EP d’une vingtaine de minutes, et pourtant, c’est ce que je produis.
Mon plus grand rêve serait de produire et jouer en même temps, pour improviser et m’enregistrer à l’instant T, et me débarrasser des heures d’ajustement et bidouillage fastidieux.
Fragil : Tu disais que tu devais finir les pistes dans un délai court. Mais pourquoi, le label t’impose quelque chose ?
Oh non, je ne sais pas encore sur quel label je vais héberger cet EP. Peut-être Pictures Music à nouveau… C’est qu’en fait, début Novembre, je vais travailler à temps complet pour Soundcloud, je vais retourner à Berlin. Donc il faut que je le finisse d’ici là.
Fragil : Tu voyages beaucoup ! Et la tournée au Danemark que tu viens de juste de finir, c’était comment ?
Une catastrophe ! Mon matériel a cassé sur la scène, j’ai pas pu joué… J’ai planché sur un plan d’urgence juste après ça, donc normalement ça n’arrivera plus. Et là je suis parti sur des dates au Royaume-Uni jusqu’à fin Octobre, plus une autre tournée début Décembre.
Fragil : Je vais te poser les traditionnelles questions de la fin, désolé… Ton album du moment ?
Le nouveau Patten (Glaqjo xaacsso), il me retourne le cerveau, tout simplement. La meilleure musique électro que j’ai pu entendre depuis un lonnng moment. Ca, et l’album de Machinedrum (Room(s)).
Fragil : Ton accomplissement personnel, musicalement parlant, ce serait quoi ?
Mon plus grand rêve serait de produire et jouer en même temps, pour improviser et m’enregistrer à l’instant T, et me débarrasser des heures d’ajustement et bidouillage fastidieux. Je me préoccupe peu de la manière dont ma musique arrive, du moment que je sens que je me suis amélioré par rapport à ce que j’ai fait avant.
Fragil : Tu as un conseil pour les jeunes artistes et tes auditeurs ?
Laissez de côté la classification, les genres, tout ça. Faites et écoutez ce que vous aimez, c’est vraiment tout ce dont vous avez besoin.
Et l’interview se finit par un tour de force. Seams a pu jouer au Pôle Etudiant alors même que ce n’était pas prévu : il avait demandé à l’organisation si c’était possible. « You can’t tell if you don’t try » (Tu ne peux pas savoir si tu n’essaies pas) disait-il. Qu’il avait raison. Et c’est sa prestation qui a clôturé le deuxième jour du festival.
Compte Twitter de Seams : http://twitter.com/# !/iamseams
Compte Soundcloud, avec toutes ses productions : soundcloud.com/seams
Propos recueillis par Aurélien Blériot
Même auteur
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses