Focus
Hecho en Nantes : la semaine du Mexique à Nantes
Frida Kahlo, gangs, initiations chamaniques au programme
Cette année, Nantes s’est mis à l’heure mexicaine. Grâce à la dynamique des associations l’année du Mexique n’a pas été éclipsée par l’affaire Florence Cassez. Du 11 au 18 Octobre, Nantes a proposé une semaine mexicaine autour d’expositions, débats, projections et concerts. Un México en Nantes qui s’est voulu “loin des clichés sieste et sombrero”, même si tacos et guacamole ont inauguré ce festival épicé. Extraits.
Claudia Mariomé, présidente de l’association franco-mexicaine Comal, s’active depuis six ans pour faire découvrir la culture mexicaine à Nantes loin des clichés du tacos et du guacamole -qui avaient été pourtant plébiscité par le protocole. Les ateliers culinaires ou les ateliers de danses folkloriques ont permis de créer un lien d’amitié entre ces deux terres lointaines. Pas si lointaines que ça si l’on comptait les nombreux mexicains qui ont arpenté Cosmopolis durant toute la semaine.
Le Mexique et la France, c’est de “l’Histoire ancienne avec un grand H” a rappelé Jean-Marie Lassus, professeur d’Université en littérature et civilisation de l’Amérique latine à Nantes. Il a travaillé, en relation avec l’Université de Puebla sur les traces françaises au Mexique. Ils ont animé ensemble durant la semaine, plusieurs conférences sur le sujet. On découvre entre autre que dans la campagne reculée de la région de Nautla dans le nord de Veracruz, des communautés francophones issus de migrations franc-comtoise, aveyronnaise, bourguignonne ou alsacienne cultivent l’échalote, élèvent des bovins ou encore fabriquent du pain cuit dans des feuilles de bananiers.
Ne pouvant voyager comme les marchandises, ils s'accrochent à une identité culturelle forte et occupent les places des marchés pour boire, fumer, sniffer de la colle, taguer, ou s'entraîner à la boxe.
Mais le Mexique et la France, ce sont aussi des histoires de cœur. “On dénombre déjà quatre-vingts couples franco-mexicains sur Nantes” selon Claudia. Pour la plupart ce sont des étudiants français ayant fait une année d’études au Mexique qui “sont tombés amoureux, pas seulement du pays”.
Héros et camés
Jean-Félix Fayolle, fondateur de l’association Koikilariv lui, n’est pas revenu avec une mexicaine, mais une collection précieuse de photos des quartiers populaires de San Luis de Potosi au nord-ouest du Mexique. Il y a étudié un an puis est retourné entre 2006 et 2010 pour plusieurs projets sur les gangs mexicains et des ateliers de photos avec des enfants des quartiers. Une occasion aussi pour lui de rester en contact avec ses habitants qui l’ont accepté comme l’un des leurs. Les clichés sont impressionnants et montre une génération meurtrie par la drogue, la violence. Paradoxalement, cette population reste attachée aux valeurs traditionnelles de la famille et de la religion avec un culte extrême à la Vierge. Emprisonnés dans leur quartier, contrôlés chacun par une bande, ces mexicains se ressemblent et rêvent de liberté. Ils sont souvent tatoués du fameux logo de marchandises Hecho en México, qui transitent sur la voie ferrée Mexique-Etats-Unis, fermée désormais aux mexicains. Ne pouvant voyager comme les marchandises, ils s’accrochent à une identité culturelle forte et occupent les places des marchés pour boire, fumer, sniffer de la colle, taguer, ou s’entraîner à la boxe. Tout ça sous la protection de la Santa Muerte, divinité mexicaine à qui ils ont dressé un autel aux offrandes les plus curieuses.
Si les mexicains côtoient sans tabou la mort, ils ont néanmoins, une vision colorée de la vie. En témoignent les tableaux du jeune peintre de 35 ans Arturo Sanchez Olivera dans l’exposition qui lui était consacrée au premier étage. Des huiles sur toile, carton ou papier bristol dont les tracés tortueux en continu comme des lignes de vie, dessinent le reflet d’émotions, de nuits d’amours et de nostalgies avec une allusion toute en couleur à ses racines amérindiennes aux secrets mystiques.
Sensibilités au pluriel
En 2006, ils ont dû faire face à un terrorisme d'Etat sanglant pour l'expropriation de leurs terres collectives, les ejidales, en vue de la construction d'un aéroport.
La culture mexicaine, c’est aussi un pendant de la culture maya. Fernando Hernández Ojab, shaman ou “llol” traditionnel du peuple tzoztil maya, est ainsi venu témoigner de son savoir autochtone. Il a fait une démonstration des cérémonies Chiapas (région à la frontière du Guatemala) auxquelles il a été initié pour devenir guérisseur. Pour l’occasion, l’association nantaise Mâ, qui organise des échanges interculturels et solidaires avec les onze communautés de Chiapas a projeté un documentaire sur les sages-femmes de la région. Loin de la médecine moderne, ces communautés indiennes se battent pour sauvegarder leurs pratiques médicinales ancestrales à base de plantes. Des savoirs qui sont transmis oralement et par une mémoire historique : un mandato ou don connecté aux éléments naturels. Sept millions de Mayas sont répartis sur le Mexique, le Guatemala, les Honduras et le Salvador. Un peuple aux trente-deux langues, qui subit “un racisme internalisé et l’appropriation de nos connaissances des plantes. Notre culture ne vient pas des livres, ni d’internet, mais de la terre” selon Fernando. C’est pour cette raison que les Mayas se battent contre le gouvernement mexicain pour garder la leur.
C’est le cas par exemple des paysans de San Salvador Atenco, à 40 kilomètres de la capitale México. En 2006, ils ont dû faire face à un terrorisme d’Etat sanglant pour l’expropriation de leurs terres collectives, les ejidales en vue de la construction d’un aéroport. Pillages, arrestations, viols, assassinats : quatre documentaires poignants de Promedios et Mal de Ojo, collectifs de communication indépendante et portes-parole de la lutte des peuples indigènes au Mexique. Ils ont laissé la parole à l’association De la Plume à l’écran. Pour la reconnaissance du droit des amérindiens et contre leurs stéréotypes véhiculés par les mass medias, au service du pouvoir, l’association a animé le débat.
Enfin comment parler du Mexique sans évoquer l’un de ses personnages emblématiques : l’écorchée vive Frida Kahlo. Deux comédiennes Julia Lemaire et Raquel Uriostegui lui ont rendu hommage dans une magnifique traduction : Kalho, Viva La Vida du dramaturge mexicain contemporain Umberto Robles. Un monologue à deux visages qui dépeint le dernier portrait de l’artiste, dans la chambre qui l’a vu naître, souffrir et mourir.
Sensibilités au pluriel c’est ce que l’on retiendra de ce México en Nantes : un Mexique aux différents visages et par différents regards. “Une tentative de vouloir faire comprendre l’immense puzzle culturel de ce pays trois fois plus grand que la France”, rapporte Mathieu Marchetti, professeur d’espagnol. Partagé entre traditions, histoire et influences.
Pauline Vermeulen
Crédit photo bannière et colonne : Leo Caobelli. Il photographie le mouvement des 400 Pueblos : des paysans mexicains qui protestent nus contre les incendies de leurs maisons dans la province de Vera Cruz(2008). en CC sur Flickr.
Photo corps de l’article : Santa Muerte, Jean-Félix Fayolle.
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