FOCUS
Politiques à Avignon : encore loin d’un projet présidentiel pour la culture
Débats, conférences, rencontres... 2012 et la culture en ligne de mire
En vue des présidentielles, personnalités de gauche et de droite sont au festival d’Avignon pour exposer leurs politiques culturelles. Opération séduction pour montrer à ce potentiel électorat que la culture fera partie du débat.
Frédéric Mitterrand, Jean-Luc Mélenchon et l’ensemble des candidats à la primaire socialiste, à l’exception de Ségolène Royal, étaient présents. Ainsi Martine Aubry tient à rappeler qu’elle vient tous les ans et Manuel Valls précise : « l’année dernière aussi, j’étais là, et déjà candidat ! ».
Invité par Libération pour son forum « Aux arts citoyens ! », Jean-Louis Borloo est le seul élu de droite présent dans le débat. Il poste sur Twitter : « Fin de journée à Avignon, j’ai peaufiné mon programme culture avec des artistes du festival off et ai débattu au forum culture de Libération ». Il n’est, pour l’instant, pas candidat à la présidentielle et confirmera ou non ses intentions « entre le 20 septembre et le 30 octobre ». Il précise, cependant, qu’il n’y a pas de candidature présidentielle possible sans engagement pour la culture.
La fin des grands projets
À Avignon, le public des politiques est composé avant tout de professionnels du spectacle. Certains ont connu l’époque de François Mitterrand, comme le note Manuel Valls : « les artistes, hommes, femmes d’art attendent beaucoup de la gauche parce qu’ils ont en souvenir les années Mitterrand et Lang ».
Dans la même veine, Manuel Valls explique que « la culture doit être une priorité (...) mais on ne peut plus le faire comme avant. L’État ne pourra plus financer de grands projets ». Il préfère confier les politiques culturelles aux collectivités territoriales et à des structures indépendantes, l’échelon local étant, selon lui, « le plus opérationnel pour développer l’éducation artistique et favoriser l’expression de la diversité culturelle ». L’État se concentrant sur l’entretien et la rénovation du patrimoine.
Pour certains, les questionnements se tournent plus volontiers vers la crise de l’euro que vers celle de la culture. François Hollande ne parle pas de moyens supplémentaires : « il faut faire attention de dire la vérité sur l’état de nos comptes publics ». Objectif crédibilité : il préfère proposer une loi de programmation pour la culture. Un projet qui permettrait de donner à la culture une nouvelle organisation impliquant « l’état, les collectivités locales, même les partenaires privés, voire même les industries culturelles ».
Pour financer ses propositions, Arnaud Montebourg prévoit de taxer les bénéfices publicitaires des chaines privées. Cette taxation s’appliquera, également, sur les profits énormes générés par l’industrie de l’accès à internet et celle des « produits industriels diffuseurs de culture, comme ceux d’Apple ». Après avoir largement abordé la question du désengagement actuel de l’État dans la culture, il assure les artistes de son soutien. Il souhaite aussi garantir « un prix de la culture, accessible pour tous et un salaire de la culture décent pour les artistes professionnels ». Sans en préciser les montants.
De 12 millions à un milliard pour la culture
Devant environ 2000 personnes, Frédéric Mitterrand est intervenu lors de la soirée d’ouverture pour présenter son plan d’action pour le spectacle vivant. Il devance ainsi les débats organisés par la Syndeac (Syndicat National des Entreprises artistiques et culturelles) et les différentes interventions des candidats de gauche à la primaire socialiste.
150 millions, voilà ce que souhaitent les syndicats. Une rallonge du budget de la culture de 12 millions, soit 4 millions par an pendant trois ans (2011-2012-2013), voilà ce que leur propose le ministre de la culture. A titre de comparaison, le dernier spectacle de Royal de Luxe, « El Xolo » a coûté environ un million d’euros à la ville de Nantes.
Un financement, donc. Accompagné d’un plan en dix mesures, permettant au gouvernement de montrer qu’il s’engage pour les artistes et la diffusion de l’art. Elles ont été plutôt mal accueillies par les syndicats, qui les qualifient de « nano-mesures ».
« Les artistes, hommes, femmes d'art attendent beaucoup de la gauche parce qu'ils ont en souvenir les années Mitterrand et Lang. »
A l’opposé, Martine Aubry veut « donner un milliard à la culture ». Elle prévoit une augmentation de 30 à 50 % du budget, soit 162 à 270 millions par an pendant cinq ans. Son projet sera financé grâce à la suppression de la détaxation des heures supplémentaires. 4,5 milliards d’euros, initialement prévu dans le projet socialiste pour créer 300 000 emplois d’avenir. Dans un souci de conciliation, elle précise que 10 000 jeunes pourraient être formés pour la médiation culturelle. Ses propositions aident les jeunes artistes, en leur ouvrant les programmations des grandes salles et consolident le statut des intermittents « juridiquement et financièrement ». Un contrat sera mis en place entre les régions et l’état afin de mieux répartir les subventions.
Faciliter l’accès à la culture
La question du développement de l’éducation artistique pour ouvrir la culture à la population a été largement abordée. En particulier, en proposant de l’intégrer dans les écoles et en développant des « coopératives artistiques ».
Arnaud Montebourg propose d’ouvrir l’école « de la maternelle à l’université ». Cela passe par un rapprochement entre artistes et enseignants : « cette ambitieuse et difficile réforme s’articulera avec l’évolution des temps et rythmes scolaires ». François Hollande insiste sur la nécessité d’intégrer l’art dans les établissements les plus en difficulté. Ségolène Royal et Martine Aubry proposent une médiation culturelle. Une action d’intermédiaire qui permet que se tissent des liens entre l’art et les élèves. L’une précise, dans Le Monde, que sa « première mesure sera de doter chaque lycée d’un médiateur culturel » afin de favoriser l’emploi des jeunes diplômés et l’ouverture des jeunes à la culture. L’autre insiste sur le rôle « émancipateur » de l’art. Elle souhaite, grâce à sa proposition d’emploi d’avenir, mettre en contact chaque enfant avec le spectacle vivant, les musées et les jeunes créateurs.
Autre idée soulevée par Arnaud Montebourg et Martine Aubry, les « coopératives artistiques ». Ces lieux développés en ville, dans les quartiers et à la campagne, fondés sur des équipes permanentes de toutes disciplines, mettraient en contact artistes, associations et population afin de les rapprocher. On pense à La Fabrique située aux Dervallières et sur l’île de Nantes et à son action avec les habitants.
Après Avignon, chaque candidat égrène les festivals. Frédéric Mitterrand visite celui de Chalon-sur-Saône suite à l’invitation de La fédération nationale des arts de la rue. Celle ci mène une campagne intitulée L’art est public. Son slogan : « l’art est public, enjeu public, affaire publique, affaire de public aussi ». Ce qui conviendrait aussi bien à l’élection présidentielle.
Hélène Sauvage
Crédit photos :
Bannière : Christophe Raynaud de Lage Colonne : Martine Aubry (AFP) et Arnaud Monetbourg (Patrick Roux)
Bloc-Notes
-
«  Chasse fermée  » remporte le prix du public au palmarès d’Univerciné 2013
-
Hellfest 2013 : Fragil prend refuge dans le nid des enfers
-
La 7ème Vague ouvre le bal des festivals
-
Le sculpteur Yonnais Pierre Augustin Marboeuf expose à Nantes pour la première fois
-
Edito du 12 avril 2013 : du fond des abysses