REGARDS CROISES
Chocs culturels
Témoignage
Habiter ailleurs n’est pas toujours évident, c’est un investissement qui demande beaucoup d’énergie, d’ouverture d’esprit et de patience. Les premiers contacts peuvent prendre une dimension exagérée et conditionner fortement l’impression qui nous accompagne lors des premiers pas dans un nouveau pays. Mais tout ça vaut la peine...
D'où je viens, étudier en France est considéré comme une merveilleuse occasion dont on ne peut pas se passer.
D’où je viens, au Brésil, étudier en France est considéré comme une merveilleuse occasion dont on ne peut pas se passer. Tout le monde reçoit la nouvelle en nous félicitant et en nous disant que ce sera une expérience formidable. Personne ne s’interroge sur la validité de ce changement de vie. Deux ans en France, c‘est merveilleux et voilà tout. C’est ainsi, avec cette pression, qu’on quitte le pays : la certitude que tout se passera bien, puisqu’on sera en France.
On n’a jamais pensé, par exemple, que mes cours pourraient ne pas être si biens, que les gens pourraient ne pas être accueillants, que la langue pourrait être un obstacle, ou tout simplement que je n’aimerais pas l’endroit et que j’aurais du mal à m’adapter à la culture locale...
Les petites différences qui font la différence
Dès que je suis arrivée, j’ai remarqué que même les petites choses étaient différentes ici : aller à la fac, parler, faire des courses.
Aller en cours consiste à prendre un bus et un tram pour arriver et à s’habiller avec des vêtements appropriés. D’une part, pour ce qui est du transport, il y a une démarche très particulière : le bus passe à l’arrêt à une heure précise ! C’est pourquoi avant de sortir de la maison, je me programme afin de le prendre à « tel » horaire, car à « tel » horaire il est censé être là (en général). D’autre part, j’ai eu besoin de mettre plusieurs couches de vêtements sur moi pour survivre au froid. D’ailleurs, la façon dont je m’habille me dénonce en tant qu’étrangère. Je porte toujours des vêtements colorés, que ce soit une couleur orange vif ou une chemise imprimée. En revanche, je suis incapable de comprendre pourquoi les gens s’habillent uniquement en niveaux de gris.
Pour la France, les Brésiliens parlent plutôt fort. J’ai dû faire attention constamment pour parler du même ton que les Français, ce qui était assez fatigant.
Faire des courses était également différent, non seulement parce que les produits vendus étaient distincts, mais aussi parce que les gens avaient leurs propres sacs pour y mettre leurs achats. Au Brésil, cela ne se passa pas ainsi. A la caisse, il y a très souvent un employé qui met vos achats dans vos sacs, qui eux sont gratuits, contrairement à la France. J’ai aimé la manière de faire les courses ici ! Plus écologique et plus indépendante.
Du formalisme de la société française
La compréhension des différences est un exercice constant qui exige sensibilité, efforts et patience.
La rigidité des règles me paraît un autre sujet : ici quand on dit non, n’insistez pas, même si vous ne comprenez pas pourquoi, même si cela vous semble complètement arbitraire.
L’étiquette sociale est également plus stricte : les deux bises sur les joues me semblent très formelles. Chez moi, on le fait pour accueillir les étrangers, jamais les gens proches. Nous, on donne une accolade. En effet, l’absence de formalisme et le contact sont des caractéristiques très fortes de la culture latino-américaine. Après avoir travaillé au Festival des 3 Continents de Nantes, je me suis aperçue que ce qui, pour moi, était vraiment naturel, était en fait lié à la culture de l’Amérique Latine.
Mais ce sont les différences de système d’éducation qui m’ont le plus frappée. Au Brésil, les meilleures universités sont publiques, mais elles ne le sont pas pour tous. Il faut réussir un concours pour y être accepté. Cette sélection rend les classes peu chargées. Cet élitisme a également des conséquences dans le contenu des cours. Mon cours de sociologie est assez lourd du point de vue théorique par exemple. On lit une bibliographie qui nous est recommandée avant les séances afin que nous puissions discuter de la théorie ensemble, toujours à travers l’intermédiaire de l’enseignant. Lors des présentations faites par les professeurs, il y a toujours une interaction entre l’enseignant et les étudiants. Ici, par contre, la majorité de mes cours de Master ont eu lieu en amphithéâtre. Les classes étaient constituées de centaines d’étudiants et on y entendait uniquement la voix de l’enseignant. Les étudiants se prononcent seulement lorsqu’ils ont des doutes. Nous ne savons pas à l’avance quel sera le sujet précis de la conférence qui aura lieu et la bibliographie n’est indiquée qu’au moment où on aborde le thème.
Les premiers chocs liés aux choses infimes de la vie quotidienne mettaient en évidence mon regard d’étrangère, d’être l’Autre. Au fur et à mesure, ceux-ci sont devenus moins courants. Mais, pour moi, une chose est certaine : la compréhension des différences est un exercice constant qui exige sensibilité, efforts et patience. Ce n’est pas évident de « lire » les comportements d’autrui à partir de leurs propres logiques. J’essaie de laisser mes références de côté le plus possible et de profiter de l’expérience qui m’est offerte d’être ici, surtout en tant qu’ Erasmus : profiter d’une atmosphère imprégnée d’échanges basés sur différentes manières de penser, d’agir et de ressentir.
Stéphanie Gomes
Illustrations : Mirela Dimitrova
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