FOCUS
Le masque et la lune
Orientales 2011 : le rite des masques Sumbo Poa
Orientales 2011 : en marge des spectacles au Café Oriental est présenté le rite des masques de Lune. Ce rituel rarement interprété cristallise la relation à la divinité Do par la transe et le symbolique.
A St Florent-le-Vieil, le festival en est à son troisième jour. Les couleurs sont celles de l’Orient, vibrantes, soit tout l’inverse des dégradés de verts et d’eau à perte de vue des paysages d’aquarelles ligériens. Sous le café oriental, il fait chaud. Les danses traditionnelles indiennes suivent les rituels soufis.
23h30, bords de Loire. Changement d’ambiance. Les volutes des encens disparaissent avec la nuit. Le rendez-vous est donné cette année deux soirs de suite au pied des terrasses pour la présentation d’un rituel rare, Les masques de Lune. Cérémonie interprétée par les griots, elle présente la relation à la divinité Do, qui doit tant au Dieu qu’à l’organisation sociale. On serait tenté, à la lecture des rares récits à ce sujet, de dire que Do est tout.
Dans cette cérémonie, les masques sont en tissus ; Do est incarné par le blanc.
Fils du créateur, Do fédère les peuples Bwabas à l’Ouest du Burkina Faso. Il représente l’équilibre entre le règne naturel et le règne humain. "La relation entre le visible et l’invisible", selon le chef de la troupe présente aux Orientales. Symbole de paix, d’harmonie et de société épanouie, il n’en est pas moins la figure tutélaire de l’ordre et de la hiérarchie de la caste. La cérémonie des masques sumbo poa présentée ce soir est rare, même pour un connaisseur. D’habitude, le masque africain est en bois, il a un fort pouvoir de représentation au sein de l’organisation sociale. Dans cette cérémonie, les masques sont en tissus ; Do est incarné par le blanc.
White Flash
C’est avec ces quelques clés que nous assistons au rite. Aucune lumière hormis celle d’un petit projecteur, les feux de bois et la lune, timide ce soir là. Le xylophone et le tambour se répondent sans vraiment se croiser ; l’expression, est brutale et désarticulée. Le métal frise avec le bois, la terre. Et on se dit que Do est décidément partout. Une silhouette fine, blanche immaculée, contraste avec le sombre du lieu de culte improvisé. C’est le premier des danseurs à se présenter. Le visage masqué, il exécute des gestes vifs renforcés par la crête qui virevolte dans l’air. Chaque extrémités du corps est soumise à la tension et à la torsion du rite rendu à Do. Le danseur ne porte pas d’ornements : seuls des formes noires peintes sur le vêtement créent la relation à l’animal ou à l’entité. Il peut s’agir de la panthère, du zèbre, du coq, du soleil...
De réputation, cela peut donner lieu à une danse violente, excessive, avec des débordements.
Parmi les dix danseurs exécutant cette transe, un dénote particulièrement. Coiffé d’une couronne en bois et entièrement blanc, ce génie est chargé de faire la relation entre le visible et l’invisible, d’apporter le sacré à l’endroit de cérémonie. Avec un seul bâton, il enchaîne les sauts à plusieurs mètres de haut et est retenu au moyen d’une corde par un autre homme. Ce détail est intéressant. Dès lors que le danseur est vêtu de blanc, toutes les relations sociales et les normes disparaissent. De réputation, cela peut donner lieu à une danse violente, excessive, avec des débordements. Ici, rien de tout cela. Le rite est exécuté, les danses se suivent, ponctuées par les chants des femmes. Il ne serait donné ici qu’à voir une représentation de cette cérémonie hors contexte, de facto, dénaturée. Reste cette ambiance pesante, due à la reproduction de la transe. Pour les habitués du festival, on se remémore le rite indien du Karnataka, présenté il y a quelques années au même endroit.
Sacré spectacle
Entre respect du sacré et tradition occidentale du spectacle, il y a un monde. C’est pour cela que lors de notre rencontre, il a été difficile d’obtenir des informations quand au sens des masques sumbo poa. La troupe ne se montre que très évasive quand au rituel rendu. Si le rituel montre le visible et l’invisible, il est plus complexe de parler de l’invisible avec les membres de la famille Bihoun. La barrière du sacré est là. Elle interroge sur le rapport qu’entretient le spectateur face à un rite rare et présenté en dehors du contexte scénique.
Difficile d’ailleurs de garder trace du spectacle. L’obscurité empêche la prise de photo ou de vidéo sans flash ; l’utiliser revient à tuer l’intérêt et le respect du rite. Alors, nous préférons vous présenter une archive datant de 2007 d’une représentation des masques de Lune. Cette fois-ci, c’est sur une scène, à Paris. Elle vient de Zaman Production (tourneur du spectacle aux Orientales), et les masques de Lune sont ici présentés en tournée (sic). Encore une fois, on questionne la notion de tradition et de sacré face à la notion de représentation et de spectacle. Cette vidéo est en tout cas le témoignage de ce que peut-être ce rite, exceptionnel.
Romain Ledroit
Crédit bannière : Anne-Laure Bourget
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