FOCUS
E-seniors : petites histoires et voyage au cœur du numérique
Exposition reNUM Ã Ping
Faire découvrir Internet et les nouvelles technologies aux plus de 60 ans, de manière ludique et créative ? L’association Ping a tenté l’expérience avec l’exposition "reNUM, créations numériques en partage", à Nantes, jusqu’au 15 avril. "reNUM", c’est une année d’expérimentation et de découverte des arts numériques pour un public non averti... mais réceptif.
"Maintenant, ils n’ont plus peur de sortir sur Internet !" L’idée est bien là : dépasser les craintes et surtout décomplexer ces seniors face à la machine, au réseau Internet, si impressionnant pour certains et explorer de nouvelles formes d’expressions.
"reNUM, créations numériques en partage", c’est un an d’ateliers, autour de trois thématiques, la participation de quatre artistes/collectifs, certains venus de Bruxelles et une trentaine de seniors, âgés de plus de 60 ans, habitant le quartier du Breil et/ou l’agglomération nantaise. Un projet orchestré par l’association Ping qui valorise ainsi la dimension culturelle dans l’usage des nouvelles technologies. Tous se sont pris au jeu, malgré quelques appréhensions au début. "C’est surtout la peur de l’inconnu, du ridicule qui les bloquent, mais une fois passé cette étape, ils en redemandent et sont enthousiastes", commente Irène Vicente, membre de l’association Ping.
Maintenant, ils n'ont plus peur de sortir sur Internet !
Une année est passée. Résultat ? L’exposition présente les créations réalisées, de manière participative, entre les seniors et artistes, autour de trois thèmes : Internet, la photographie numérique et la cartographie.
Pour la première étape, et non la moindre, les seniors sont partis à l’assaut du web, de ces blogs et autres Facebook à l’aide d’un avatar, créé pour l’occasion : Bernard Breil. Autre approche, la photographie et son rapport à l’intime, au lien social. À partir d’objets du quotidien, de détails qui nous entourent, de paysages ou encore de portraits, est né toute une série de photographies. Lors d’un ultime atelier, les participants ont travaillé sur la notion de storytelling, où comment raconter, transformer et imaginer des histoires pour développer une fiction collective. "À plusieurs, l’imagination se libère". Une réflexion sur les conditions de travail d’hier et d’aujourd’hui a été mené.
Ces ateliers ont donné lieu à la création d’objets, d’œuvres d’art, osons le dire, en collaboration avec les artistes. "Un climat de confiance s’est installé peu à peu, les ateliers devenant de véritables rendez-vous pour certains, qui invitaient même leurs ami(e)s à venir nous rejoindre", se souvient Catherine Lenoble, coordinatrice du projet. "On est au-delà de la simple pratique, mais bien dans le lien, la relation à l’autre".
Vous prendrez bien une petite douche sonore ?
On ne voit que "ça", dès l’entrée : une série de "grues" ou "douches", en bois, avec au sommet, un caisson, qui fait office de haut-parleur. Neuf modules de ce genre sont répartis dans la salle et constituent différents points d’écoute. Notre instinct nous dit de nous positionner dessous... À raison, car il s’agit bien de "douches sonores", réalisées par le collectif d’artistes Lolab, installé dans le quartier Breil-Malville. Un pied posé sur une pédale noire et c’est tout un déluge de sons qui nous parvient. Des bribes de conversations des seniors, enregistrées lors de leur découverte d’Internet, sont mélangées avec des riffs de guitare. Les voix s’entremêlent et s’étouffent dès que l’on s’en s’éloigne. Un véritable documentaire sonore.
Le voyage se poursuit avec la photographie numérique, en collaboration avec Laurent Neyssensas ; ces mêmes photographies, réalisées par les seniors, sont désormais imprimées sur différents supports (toile, tasses, sets de tables, assiettes) et attirent le regard. Le sourire de ces femmes déguisées pour l’occasion est communicatif.
Avalons nos heures de boulot, comme si c'était du gâteau
Dernières installations, du collectif bruxellois Constant, sur le thème de la cartographie. Au fond de la pièce, accrochée au mur, une imposante pièce de tissu blanc cousue à la main par les seniors. Elle préfigure leur réflexion, leurs souvenirs et anecdotes liés au travail. Une aiguille pointée sur un des "marqueurs" numérotés, fabriqués avec du tissu conducteur lance une piste sonore : "Avalons nos heures de boulot, comme si c’était du gâteau", scande une des participantes. La carte nous parle, les murs ont des oreilles. À côté, une deuxième carte, virtuelle celle-ci, reprend les enregistrements des seniors, leurs discussions avec un travail de géolocalisation. Le virtuel fait alors face au textile, au fait main. Deux époques pour une même expérimentation.
Une exposition qui se regarde, s’écoute, se touche et même se savoure, autour d’un petit salon de thé improvisé. Élément important de l’exposition, la scénographie a également été pensé par les seniors et matérialisé par l’atelier d’architecture RAUM. "Tout se démonte, se plie et se range dans un unique meuble, construit pour l’occasion, pour que l’exposition vive, bouge", souligne Catherine Lenoble.
Être dans le coup... à tout âge
Internet fait peur, c’est une évidence. "Pour certains, c’était une première de travailler sur un ordinateur et depuis, quelques-uns se sont équipés ou vont suivre d’autres formations, c’est déjà ça". Susciter la curiosité, l’envie et l’enthousiasme, en dépassant les craintes, tels étaient les objectifs de ces ateliers. Et pour cela, il ne faut pas hésiter à se mettre à la place de ces seniors. "Certains avaient la trentaine dans les années 1960, lors de la convergence des nouvelles technologies, des télécommunications aux premiers ordinateurs, aux téléphones et systèmes hypertextes... C’était une période intense, pleine d’expérimentation. Il fallait leur prouver qu’aujourd’hui, nous avons peut-être plus d’aisance qu’eux mais nous expérimentons toujours et ils peuvent aussi y participer".
Mais au fait, pourquoi "reNUM" ? Pour l’idée de ce qui se re-joue, se re-mix, se ré-approprie et bien évidemment, pour le numérique.
Caroline Dubois
Crédit photo bannière et tasses : Laurent Neyssensas
En savoir plus
L’exposition en pratique : jusqu’au 15 avril au pôle associatif du 38, Breil-Malville, Nantes. Visites libres les jeudis après-midi de 14h à 18h ; Visites commentées sur demande. Et du 27 avril au 22 mai, au centre culturel La Laverie, à la Ferté Bernard. Gratuit.
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