FOCUS
De l’objet quotidien à l’objet témoin : un siècle d’immigration nantaise retracé
L’exposition "Nantais venus d’ailleurs" au Château des ducs de Bretagne
L’exposition "Nantais venus d’ailleurs", au Château des ducs de Bretagne, vue à travers quelques objets clés, symboliques. C’est une histoire retracée, celle de l’immigration à Nantes, tout au long du siècle dernier, mais aussi des histoires, celles de ces hommes et femmes qui ont quitté leurs pays pour arriver à Nantes. Des étrangers devenus Nantais.
Un événement symbolique et fort. Les quelques 300 objets collectés, auprès de 150 prêteurs, racontent l’Histoire de cette immigration à Nantes, une histoire d’un siècle. Rassemblés autour de neuf portraits, neuf parcours de vie, ces objets sont chargés d’histoires. Des histoires différentes et pourtant si semblables, entre fuite, exil face à la guerre, à la misère ou au manque de travail.
C'est aussi le regard porté sur l'autre qui fait l'étranger
L’exposition "Nantais venus d’ailleurs" propose le parcours type vécu par ces étrangers : du départ précipité à l’arrivée à Nantes, de l’accès au travail, au logement, aux papiers administratifs mais également l’importance de la famille, du sport, de l’alimentation, de la religion, du lien communautaire à conserver ou, tout simplement, de l’intégration sociale. Pour Agathe Konaté, commissaire de l’exposition, "c’est aussi le regard porté sur l’autre qui fait l’étranger".
Une exposition vue à travers quelques objets symboliques et leurs histoires.
Ils s’imposent dans l’enceinte du Château des ducs de Bretagne d’un simple regard. Les portraits de ces étrangers, primo-arrivants ou de la 2ème et 3ème génération, attirent l’attention, affichés sur la façade du bâtiment du Harnachement. Comme fiers d’être ici, de leurs parcours, ils invitent à découvrir une partie de leur vie, de leur intimité. Car il est bien question ici d’intimité, de témoignage.
La valise :
Installée sur un imposant échafaudage, qui se construit peu à peu comme se construit leur nouvelle vie à Nantes, une valise illustre la thématique du départ, du déracinement. Dès 1914, Émile Dehaye, belge, avait installé une infirmerie dans son usine pour soigner les blessés français. C’est la Première Guerre mondiale. Face à l’avancée des troupes allemandes, il doit fuir avec femme et enfants. Leur vie se résume alors à cette valise.
Des objets représentatifs d'une certaine obstination de vivre
Le talisman :
"C’est peut-être l’un des objets les plus forts symboliquement, explique Agathe Konaté, commissaire de l’exposition, et certains objets, comme ce talisman, sont représentatifs de cette obstination de vivre qui caractérise ces exilés". Réalisé par un moine bouddhiste, ce talisman cambodgien de prières devait protéger un homme et ses trois enfants, obligés de fuir leur pays en proie à la guerre, en 1978. Il sera conservé précieusement dans une poche, durant les deux nuits de fuite dans la forêt, en direction de la Thaïlande voisine. "On peut encore y voir les traces de transpiration, c’est très fort et touchant." Le talisman a semble-t-il fonctionné : l’homme et sa famille arriveront en France, à Valette, dans un centre d’accueil. Nous sommes alors en 1979.
Le passeport :
L’arrivée dans un nouveau pays impose de passer par la case administration. En tirant ces tiroirs apparaît alors cartes de séjour, visas et autres papiers officiels, si difficiles à obtenir pour certains. Différents tiroirs pour différentes étapes...
Le travail : condition essentielle à l’intégration
Les ciseaux de coiffeur :
Couëron à la mode polonaise. Ludwik Slowik arrive en 1930 à Couëron et devient très vite le coiffeur non officiel de la communauté polonaise. Différents ustensiles de coiffure sont ainsi exposés, témoignant de ce savoir-faire et du lien fort maintenu entre cette "colonie" polonaise installée à Couëron et ces environs.
Le bleu de travail :
En vitrine, un pantalon de travail et un rouleau de peinture. La tenue de travail d’un "sans-papiers d’aujourd’hui". La guerre civile l’oblige à fuir le Libéria et le voilà débarqué en France, clandestinement. Il sera régularisé par son travail de peintre en bâtiment. Un parfait exemple de la contribution active de ces étrangers au développement économique du territoire ; le travail étant une condition essentielle pour obtenir un logement et faire venir sa famille. Un peu plus loin, une blouse de femme de ménage, usée. Maria Dorinda, portugaise, travaille encore aujourd’hui pour plusieurs entreprises de nettoyage, enchaînant les heures de travail.
La marteline :
L’exposition se poursuit et les parcours se croisent, mêlant les nationalités. 1956. Rino Linzi est italien et mosaïste de formation. Recruté par une entreprise nantaise, créée par un italien, il quitte son pays et sa famille, une fois son diplôme en poche. La marteline (petit marteau utilisé en mosaïque) symbolise tout simplement la raison de sa venue en France : le travail. Il pourra ainsi aider financièrement sa famille.
Six objets parmi 300 exposés, ou six histoires parmi tant d’autres. Reste Yvan Boldyreff, russe blanc des années 1920 qui emporta avec lui un violon et des verres à vodka ou encore Tran Van Binh, "boat peole" vietnamien...
"Ces objets font partie de leur intimité, qu’ils ont accepté, eux ou leurs familles, de nous dévoiler pour l’occasion, explique Agathe Konaté, et certaines personnes n’avaient alors pas conscience de l’intérêt de leurs parcours." Des objets, riches de sens et de vie, symboles de cette immigration nantaise, dans une société encore touchée par la discrimination et le rejet de ces populations "étrangères". "Nous traitons d’un phénomène contemporain, d’un fait de société, sur une période d’un siècle, afin d’éclairer le présent." Comme une forme de réponse.
Caroline Dubois
Infos
Exposition "Nantais venus d’ailleurs"
L’exposition en pratique : 10h-18h, tous les jours sauf le lundi. Bâtiment du Harnachement, Château des ducs de Bretagne. Entrée exposition seule : 5 € / 3 € (18-26 ans) et gratuit pour les moins de 18 ans.
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