DOSSIER LOPPSI 2. 1/2
LOPPSI 2, lumière sur une loi fourre-tout liberticide
LOPPSI 2, ou l’histoire d’une loi sécuritaire renforcée, insidieuse, nébuleuse puisque très large, et c’est au gré des discussions avec autrui que l’on se rend compte du manque de visibilité sur la loi. Et à l’heure actuelle, il semble nécessaire de revenir sur l’évolution de cette loi, être éclairer sur ses risques pour mieux appréhender l’avenir de notre société, et nous tenterons d’y répondre aux côtés de Kako, militant nantais "anti-répression", qui a prit part au campement improvisé anti-LOPPSI 2, du 27 février au 9 mars au parc Baco. De projets de lois, en passant par de nouveaux amendements interdisant les campements illicites et les squats, pour finir par la censure de 13 dispositions (sur les 142 que contient LOPPSI 2). D’indignations en (petites) réjouissances, comment anticiper à nouveau cette loi ? Faut-il baisser la garde ? Pas si sà »r...
Récemment soumise à une censure cosmétique stratégique, la loi y a laissé quelques plumes. Mais ensuite ?... Ensuite, "Indignez-vous !" nous le rappelle Stéphane Hessel. Car il reste encore un long chemin avant que cette loi ne soit "saine, salutaire et sensible".
LOPPSI 2, cela signifie quoi, au juste ?
À ceux qui la découvrent, LOPPSI 2 (Loi d’Orientation et de Programmation Pour la Sécurité Intérieure) est un projet de loi française, qui répartit le lourd budget de 2,5 milliards d’euros sur la période 2009-2013, concernant la gestion de la police et de la gendarmerie, la lutte contre la criminalité générale, la récidive, la "cyber-pédopornographie", la création d’un couvre feu pour les mineurs et donne aux préfet le droit d’évacuation et de destruction sous 48 heures de tous campements illicites, d’habitats dits "alternatifs" (yourtes, tentes, cabanes) et de squats. Elle donne également de nouveaux pouvoirs à la police et prévoit d’en déléguer aux polices municipales et aux entreprises de sécurité privée (type gardiennage, surveillance...). Autant de sujets délicats, avec pour seule consigne : le-tout-répressif-sans-exception-aucune. Mais avant toute chose, voici deux points qui méritent attention : l’article 32 Ter A concernant les habitats alternatifs, puis l’augmentation de la sécurité privée.
LOPPSI 2, son projet passé, sa mise en œuvre future...Reprenons
Jeudi 10 mars 2011. Le Conseil constitutionnel censure 13 articles de la LOPPSI 2, adoptée au Parlement le 8 février dernier. Bien que l’on entende dire ici-et-là que c’est la première fois dans l’histoire de la Ve République qu’autant d’articles d’une loi sont censurés, ou bien qu’il s’agisse d’un désaveu pour Nicolas Sarkozy et pour sa majorité, cette loi doit permettre de traduire les orientations sécuritaires annoncées par le président de la République dans son "discours de Grenoble", le 30 juillet 2010. Avec un texte initial déposé par le gouvernement en mai 2009, dénombrant 46 articles, la loi n’a cessé d’enfler, notamment sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy après le discours de Grenoble. Résultats des courses : pas moins de 142 articles aujourd’hui.
Pour seule consigne : le-tout-répressif-sans-exception-aucune
Un droit au logement de tous types conservé
Parmi ceux censurés par le Conseil constitutionnel, on y trouve l’article 32 Ter A permettant au préfet de procéder à l’évacuation forcée de terrains occupés illégalement, pour ainsi dire campements illicites, habitats alternatifs et squats. Une disposition introduite à la demande du chef de l’État, pour marquer sa volonté de procéder à des évacuations de campements de Roms, qui autorisait à procéder dans l’urgence, à toute époque de l’année, à l’évacuation de personnes défavorisées et ne disposant pas d’un logement décent. "La décision d’évacuer les campements sera prise sous la seule responsabilité des préfets", précisait alors le président. C’était sans compter sur la décision des Sages du Conseil constitutionnel, sept mois plus tard. Leur censure a rappelé que les préfets, donc l’État, doivent respecter certains droits.
Pour le Conseil, ces dispositions qui "permettent de procéder dans l’urgence, à toute époque de l’année, à l’évacuation, sans considération de la situation personnelle ou familiale, de personnes défavorisées et ne disposant pas d’un logement décent" sont disproportionnées par rapport au trouble à l’ordre public que constitue un camp de Roms, même illégalement implanté.
Une sécurité privée corroborée
La vidéosurveillance, pardon, vidéoprotection, nouveau terme adopté par LOPPSI 2, selon les propos de Brice Hortefeux : "Le mot de “vidéosurveillance” est inapproprié car le terme de “surveillance” peut laisser penser à nos concitoyens, à tort, que ces systèmes pourraient porter atteinte à certains aspects de la vie privée. Dès lors, il y a lieu de remplacer le mot “vidéosurveillance” par le mot “vidéoprotection”, qui reflète plus fidèlement tant la volonté du législateur que l’action conduite en faveur de nos concitoyens." Soit. Nous pourrons dormir tranquilles, dorénavant. Ainsi, la vidéoprotection prévoyait, à l’origine, que toutes personnes de droit privé (entreprise, commerce, copropriété d’un immeuble...) puissent placer des caméras aux alentours, dans la rue et sur leurs bâtiments, avec transmission simultanée possible des images à la police. Bis repetita, cette disposition fera elle aussi, l’objet d’une censure du Conseil. Mais, mais, mais, un dispositif de vidéoprotection peut être mis en œuvre sur la voie publique par des autorités publiques, avec 10 000 caméras supplémentaires, soient 45 000 au total, d’ici à la fin 2011. Attention, nuance !
Si la loi passe, malgré la censure, les conséquences seront nécessairement négatives. On nous prépare à un futur où chacun sera dans un et même moule, formaté par une réalité répressive
L’autre volet de la sécurité, ce sont les activités privées de sécurité. Pour le coup, aucune censure de la part du conseil. Le statut des entreprises de sécurité sera même renforcé et la privatisation des missions de sécurité devrait se développer. Par ailleurs, LOPPSI 2 prévoit la création du CNAPS (Conseil National des Activités Privées de Sécurité) chargé de trois missions : de conseil et d’assistance aux professionnels ; de police administrative en matière d’agréments et d’autorisations, et de sanction disciplinaire. Le CNAPS sera ainsi composé de personnes issues des activités privées de sécurité et de personnalités qualifiées, de représentants de l’État, de magistrats des ordres administratif et judiciaire.
Autant dire que l’on va assister à une augmentation des effectifs privés - qui sont de 170 000 salariés environ aujourd’hui - et qui pourraient être supérieurs aux effectifs publics de la police et de la gendarmerie (220 000), pour 2013.
Un avenir encore incertain, malgré le coups de revers porté au gouvernement de Sarkozy
13 dispositions censurées sur 142. Bilan relativement léger. Cela signifie que la majorité des dispositifs répressifs et sécuritaires mis en place par la LOPPSI 2, est dès lors appliquée. Peut-on vraiment crier "Ouf !", a-t-on échappé au pire ? "Si la loi passe, malgré la censure, les conséquences seront nécessairement négatives. On nous prépare à un futur où chacun sera dans un et même moule, formaté par une réalité répressive", affirme Kako.
Kako est militant corps et âme contre ce système capitaliste, libéral, quasi totalitaire. Son engagement, c’est son mode de vie. Ne pas travailler pour "ne pas fournir un centime à cet état qu’il désapprouve". Lui, revendique une décroissance, et un retour à une vie simple, afin d’apprendre à consommer, autrement. "Quand est-ce que l’on verra des gens du peuple au pouvoir ?" Et parce que Kako est tout cela a la fois, mais surtout libertaire, LOPPSI 2 le dérange. Selon lui, cette opération de censure cosmétique ne résout pas le problème. Le renforcement de l’arsenal répressif résiste. Kako espère une ratification de la loi. Sans quoi, "la mobilisation - nous dit-il - continuera encore et encore." Car la loi présente un caractère multi-dangers, et Kako ne voit son avenir que sous la forme d’une suppression totale.
Le gouvernement fait fi des revendications populaires, du respect de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et des principes démocratiques
Odieuse sensation de penser, malgré cette censure agissant tel un sévère rappel à l’ordre, que l’on assiste finalement au très occulte succès d’une stratégie qui consiste à surcharger la loi de dispositions répressives, à la constitutionnalité douteuse, pour mieux assurer l’adoption de certaines d’entre elles. Frapper plus fortement, les petites douleurs n’en seront que moindres. Le gouvernement aurait tort de ne point se satisfaire de ce résultat post-censure. Malgré son fameux déni de la réalité, sa progression dans l’instauration d’un arsenal répressif puissant se renforce, pour finalement être adoptée au Parlement. Oui, leur dédain est palpable. Le gouvernement fait fi des revendications populaires, du respect de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et des principes démocratiques.
"Il faut constamment se battre pour voir ce qui se trouve au bout de son nez" G. Orwell
Difficile de se projeter, et de réagir à temps, il est vrai. Une loi aussi vaste et touche-à-tout que la LOPPSI 2, ne facilite pas la tâche. Parce qu’il n’est pas aisé d’y voir clair en ces temps de crise polymorphe, on se prend alors à penser a diverses œuvres quelque peu prophétiques : "Indignez-vous !", livre dans lequel Stéphane Hessel nous rappelle l’importance de se battre pour plus de libertés "Je vous souhaite à tous, à chacun d’entre vous, d’avoir votre motif d’indignation. C’est précieux", dit-il au travers de son livre.
Et cette autre nouvelle de Franck Pavloff, "Matin brun", qui nous susurre : "On aurait dû dire non. Résister davantage, mais comment ? Ça va si vite, il y a le boulot, les soucis de tous les jours. Les autres aussi baissent les bras pour être un peu tranquilles, non ?"
Il est ardu de ne pas s’égarer dans certaines petites lâchetés quotidiennes, mais garder l’œil ouvert est vital. Car pour sûr, LOPPSI 2 n’a pas fini de faire des siennes.
Texte et photo Kako : Pauline Bataille
Crédit photo caméra : Frédéric Bisson
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