
Festival Univerciné Italien 2011
L’Uomo che verrà : raviver la mémoire de l’Italie
Rencontre avec l’actrice Maya Sansa
Pour la 15ème édition du festival universitaire de cinéma italien, les organisateurs ont choisi d’ouvrir le bal avec l’Uomo che verrà , qui a reçu le prix du public à Rome. Le réalisateur Giorgio Diritti traite ici d’un événement qui a marqué l’Italie : le massacre des habitants de Monte Sole, petit village paysan, par les Nazis le 28 septembre 1944. Tourné sur les lieux mêmes du drame, le film dresse le tableau d’une Italie en proie aux troubles de la Seconde Guerre mondiale à travers le regard de Martina, petite fille de 8 ans, rendue muette par le décès précoce de son jeune frère, mort dans ses bras.
Giorgio Diritti a laissé une grande place au territoire dans son film. Il s’est imprégné des histoires qu’on lui a racontées pour créer son scénario et a souhaité conserver le dialecte de cette toute petite région pour plus d’authenticité.
Une histoire ancrée dans un territoire
« On n’était pas si conscients de la puissance de l’image dans le film.»
« Tourner dans ce lieu n’a pas été chose facile, c’était un lieu plein d’Histoire et la saison commençait à devenir difficile. », confie Maya Sansa. Mais tourner sur les lieux du drame s’est révélé important, car les habitants ont pu raconter aux acteurs beaucoup d’histoires pendant le tournage. Si les personnages sont fictifs, le film est bien basé sur des événements historiques : « Giorgio avait juste entendu l’histoire d’une petite fille qui avait sauvé son frère. » C’est d’ailleurs pour mettre en avant le territoire que Giorgio Diritti a souhaité garder le dialecte de cette partie de l’Italie. « Il s’est rendu compte que l’italien courant ne correspondait pas, qu’il n’était pas naturel. Il a donc préféré utiliser le dialecte des paysans de cette toute petite région. » L’importance du lieu se reflète également dans la place laissée à l’image : « On n’était pas si conscient de la puissance de l’image dans le film. », avoue Maya Sansa. Mais c’est ce qui permet au film d’aller vers la simplicité, la vérité.
Pour retranscrire au mieux la réalité des paysans, le réalisateur a aussi choisi de ne pas mettre de sous-titres pour la langue allemande. Le public s’identifie ainsi aux Italiens et se retrouve dans la même situation que les habitants qui ne comprenaient pas non plus l’allemand. La programmatrice du festival, Gloria Paganini, ajoute : « Lorsque Martina (la petite fille) parle en italien classique, on a l’impression de passer de cette histoire ancrée, très restreinte, à un niveau universel. Elle fait que l’histoire va au-delà de l’endroit, de l’époque. Elle rend le langage de ce film plus large. » Le film se termine ainsi sur la petite fille qui chante à son petit frère la berceuse que lui fredonnait sa mère. Seule rescapée avec son petit frère, la petite fille qui était muette jusque-là a quelque chose à dire : « il y a un homme qui viendra. » C’est cet enfant qui porte l’histoire de la guerre, de l’humanité.
Une expérience d’acteur très forte
« Il était difficile d’avoir l’appétit de dîner après avoir tourné des scènes aussi tragiques. »
Juste après le film, Maya Sansa a travaillé sur un autre projet, ce qui lui a permis de changer d’air car le tournage a été une expérience épuisante : « Il était difficile d’avoir l’appétit de dîner après avoir tourné des scènes aussi tragiques. On ne pouvait pas s’empêcher d’être imprégnés de tout ça. » Les relations entre Italiens et Allemands n’étaient pas pour autant tendues à cause du film : « Les Allemands essayaient de ne pas porter le poids de tout ça sur leurs épaules, ils faisaient leur boulot, se détachaient. » La présence des figurants pratiquant le dialecte de la région sur le tournage a aussi permis de faciliter les choses : « Ça a enrichi le film, c’était important pour créer un groupe. » Certains n’étaient pas des professionnels, ils s’aidaient alors les uns les autres : « Nous, on les aidait à s’habituer à la présence de la caméra, et eux nous racontaient des histoires, nous corrigeaient notre accent. Il y avait un monsieur très gentil parmi nous qui avait 5-6ans à l’époque, qui venait d’un village un peu plus loin mais qui parlait le même dialecte. C’est lui qui nous aidait principalement. »
Quant aux nombreux enfants, ils n’ont pas été bouleversés par l’histoire et les scènes tournées car ils étaient très protégés : « Pour l’actrice principale, c’était un grand jeu, elle s’est beaucoup amusée, elle adorait se rouler dans la terre. » Elle avait d’ailleurs une magnifique concentration, passant de la rigolade à l’écoute, précise Maya Sansa. Pourtant, son rôle était difficile puisque son personnage est privé de la parole.
Entre passé et présent
« On dit que tout se passe bien en Europe alors que les horreurs de la guerre ne sont pas loin et que les pays européens sont encore engagés dans des guerres. »
Pour les gens de l’Emilie Romagne, le massacre de Monté Sole reste un épisode très fort de leur histoire. Originaire de la région, Giogio Diritti est sensible à cette question de mémoire, mais aussi à l’état de la société. Il dit lui-même que : « l’un des dommages les plus importants dans une guerre, c’est d’être privé de sa mémoire et de la perdre. » S’il y aura toujours des massacres et des guerres, le réalisateur a voulu rappeler cet événement car, selon lui, c’est important pour l’Italie. Ce film est dédié à tous ceux qui subissent des guerres, sans forcément les avoir choisies et s’achève sur ces victimes de l’Histoire.
D’après Maya, c’est toujours le même problème : on n’accepte pas une culture, une personnalité différente : « J’essayais de comprendre la guerre, mais pourquoi ? Pour l’argent ? Mais quand on rentre dans le détail, on se rend compte que les soldats étrangers en Irak qui trouvent que les paysans sont bêtes car ils ne comprennent « rien », c’est-à-dire pas leur langue, ressemblent un peu aux Nazis qui traitaient les Italiens comme des animaux, car ils ne comprenaient pas l’allemand. » Elle ajoute : « C’est ça l’aspect le plus effrayant, quand il y a une guerre. » Il lui semblait important d’aborder cette thématique vu ce qui se passe en Europe : « On dit que tout se passe bien en Europe alors que les horreurs de la guerre ne sont pas loin et que les pays européens sont encore engagés dans des guerres. »
Laurette Bouysse
Site du festival Univerciné Italien 2011
Cet article a été réalisé conjointement par une équipe d’étudiants du Département Infocom de l’Université de Nantes.
Equipe : Laurette Bouysse, Xavier Pennec, Marine Toux, Corentin Vital. Coordination éditoriale et pédagogique : Emilie Le Moal.
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