Reportage vidéo
Le défi "Villa déchets"
La poubelle devient maison
Pendant tous le mois décembre les Nantais ont pu visiter la "Villa déchets" sur l’île de Nantes. Cette maison d’architecte conçue exclusivement avec des déchets urbains est l’aboutissement d’un projet un peu fou tout droit sorti de la tête de Frédéric Tabary et de Yann Falquerho. Nous avons suivi jour après jour sa construction.
Villa déchets from Magazine Fragil on Vimeo.
« Ces mecs sont des tarés ! » lance un bénévole, perçeuse à la main et sourire aux coins des lèvres. C’est sûr le projet était ambitieux : construire une villa d’architecte exclusivement à partir de déchets urbains et ce en à peine plus d’un mois. L’association Tabakero menée par Frédéric Tabary et Yann Falquerho l’a fait. Le projet a bien été conçu comme un défi… un défi lancé aux Nantais. L’idée folle de la construction était surtout de se baser sur l’engagement de bénévoles habitués ou non à brandir le marteau. C’était l’objectif de la Villa : « engager un débat citoyen sur la thématique de la réduction des déchets en mobilisant des bénévoles sur un évènement à large couverture médiatique. ». Plus qu’un défi collectif, ce projet comprenait de multiples défis. Il suffit de se pencher sur l’agenda de l’opération pour le comprendre :
Du 20 octobre au 10 novembre 2010 :
Début de la collecte des déchets
Conception et réalisation du mobilier
Conception de la Villa Déchets
Réalisation des murs
Du 10 novembre au 28 novembre 2010 :
Construction de la Villa Déchets (pendant la Semaine Européenne de la Réduction des Déchets qui a lieu cette année du 20 au 28 novembre)
Du 28 novembre au 1er décembre 2010 :
Finition et rangement de la Villa Déchets
Du 1er décembre 2010 au 1er janvier 2011 :
Visite de la Villa Déchets et location des nuitées (mise aux enchères des nuitées au sein de la Villa Déchets en partenariat avec Ouest Enchères Publiques à Nantes).
Les bénévoles ont répondu présents
La Villa Déchets est suivie par de nombreux partenaires institutionnels et privés : Nantes Métropole, ADEME, et Maison du Monde pour les ténors, mais également des associations qui se mobilisent autour des questions environnementales dans la région nantaise comme Humus 44 (toilettes sèches) ou AREMACS (gestion et tri des déchets sur des évènements). Ensuite, parce que le projet est encadré par une équipe de professionnels enthousiastes. Parce que les bénévoles ont répondu présents, surtout. Ce projet a été fédérateur, Frédéric Tabary s’étonnait lui-même de la fidélité et de la motivation de bénévoles. Sur le chantier, on croise des personnes de tout âge, de tout horizon, venues pour une journée, où présentes depuis le début. Cependant, tous se sentent concernés par les réflexions autour de l’environnement et tous ont l’envie de participer à un projet unique en son genre, de vivre une expérience commune. Animés par une grande curiosité, ces bénévoles sont lycéens, étudiants, salariés, chômeurs ou retraités. Il faut dire aussi que le lieu est agréable, situé entre les Machines de l’Ile et le Hangar à Bananes. C’est sans doute cela aussi qui fédère ces hommes et ces femmes, le sentiment d’appartenir à un projet novateur qui donne une visibilité de plus à Nantes.
Plus qu’une tendance, une question de bon sens
La Villa déchets pointe du doigt nos mauvaises manies de jeter tout et n’importe quoi.
La Villa déchets c’est donc beaucoup plus qu’un concept qui répondrait à une tendance écolo et durable. Il s’agit d’une véritable maison stylisée, habitable et durable. Bien sûr, c’est aussi un fort symbole de la prévention pour la réduction des déchets. La construction a entre autres utilisé 850 palettes, 15m3 de carton ou encore 3 m3 de papier. Saviez-vous qu’il est possible de fabriquer des briques de papier pour faire un mur ? Le procédé est assez simple pour un résultat très efficace. Ce n’est pas un hasard si la construction de la Villa a coïncidé avec la Semaine Européenne de la Réduction des Déchets qui a eu lieu du 20 au 28 novembre. Plusieurs cycles de conférences ont également été organisés dans Nantes Métropole. Parce que bien plus qu’une construction, c’est une réflexion sur nos habitudes environnementales qui est proposée. Sans tomber dans un discours moralisateur ennuyeux à souhait, la Villa déchets pointe du doigt nos mauvaises manies de jeter tout et n’importe quoi. Depuis quelques années, des réflexions autour de nouveaux modes d’habitats voient le jour. Il n’est plus banal de voir des maisons en bois ou encore des maisons en paille isolées avec un enduit de chaux. Ces nouveaux habitats ne sont plus le champ réservé de militants écolos barbus et chevronnés. Encore peu connues, ces méthodes nécessitent surtout beaucoup de temps.
Ce message c’est aussi celui qu’ont voulu faire passer les parrains de la Villa Déchets. Parmi eux l’humoriste et comédien Bruno Solo, parrain actif évoque « un acte militant et intelligent ». Il était présent aux enchères le 26 novembre avec la commissaire priseur Juliette Jourdan pour vendre les 25 nuitées proposées. Ces nuitées s’échelonnent sur le mois de décembre et quatorze sont thématiques. L’acquéreur de chaque nuit pourra ainsi se vanter : « je suis un Rabelaisien", "je suis dans le noir", "je suis au LU", "je suis un hamster", "je suis danseuse du ventre", "je suis à la table de Noël"… Les fonds récoltés seront reversés à une ou plusieurs associations, acteurs du développement durable en région nantaise, et qui s’installeront en 2011 au sein de la Villa Déchets. La Villa est donc durable et sera le symbole de la réduction des déchets à Nantes, en France et en Europe. La Villa est un modèle unique qui sera multiplié à Paris en 2011, Bruxelles en 2012 et Marseille en 2013.
Nantes à la recherche d’un équilibre écologique
Alors que la Villa déchets vient de déménager de l’île de Nantes, mettant ainsi fin à l’étape de construction et de visites, Nantes semble indécise en matière de développement durable. La politique écologique d’une ville est bien souvent affaire de symboles, Nantes n’échappe pas à la règle... La métropole nantaise depuis de nombreuses années justifie d’une belle image de ville durable : classée au palmarès des EcoCités françaises, obtention du label Cit’ergie par l’ADEME dont le prix sera remis le 26 janvier prochain. Des actions importantes ont vu le jour quant à la réduction de l’empreinte écologique, le développement des transports en commun, la promotion des énergies renouvelables. La région Pays de la Loire, dans une logique de développement durable, vient d’intégrer à ses actions le baromètre du développement durable. C’est un outil inventé en 1997 par le réseau Cohérence qui vise à promouvoir des modes de production, d’échange et de consommation plus équitables, respectueux des ressources naturelles et des milieux de vie. Comme beaucoup de villes Nantes recherche son équilibre écologique entre initiatives en faveur du développement durable et les problématiques économiques inhérentes à une métropole. Celles-ci entrent parfois en contradiction comme le montre le projet de l’aéroport de Notre-Dames-des-Landes. Là est sans doute la problématique à laquelle les grandes villes de France vont être de plus en plus confrontées. La Villa déchets nous montre donc du doigt un petit bout de l’iceberg, de façon ludique et intelligente. Ce type d’actions, symbolique et parlante pour le grand public, permet sans aucun doute de faire avancer le débat citoyen, en toute lucidité sur les enjeux politiques.
Texte : Annabelle Durand, Stéphanie Dupin
Reportage photo et vidéo : Annabelle Durand, Valérie Pinard, David Guiheneuf
Pour aller plus loin
Le clip de la Villa Déchets « C’est la poubelle ma maison ! » : http://www.youtube.com/watch ?v=enxw-hEd4HY&feature=player_embedded
Présentation du projet par Frédéric Tabary : http://www.youtube.com/watch ?v=Lav8rgGpSUQ&NR=1
Le site de la Villa Déchets : http://www.villa-dechets.org/
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