
PORTRAIT D’AMERIQUES
East Coast Vs West Coast : Surfer Blood et Warpaint
FESTIVAL DES INROCKS 2010 A L’OLYMPIC
On attendait l’Amérique, elle était à L’Olympic. Un samedi avec les Surfer Blood, Floride et un dimanche avec les Warpaint, Californie. Entre les deux, quelques milliers de kilomètres mais un coup de cœur pour deux groupes qui donnent au rock américain une raison valable de ne plus rougir.
La chaleur monte quand on évoque Palm Beach. En mémoire, les résilles du générique des dessous de... et le surfeur beau gosse. Eux, semblent totalement étrangers à cette Floride au fessier rebondi et à l’encéphale aplati. Eux, c’est Surfer Blood ce quatuor dopé à la contradiction et au talent : venir de Floride et sonner comme les Smiths, avoir Surf dans son nom et préférer le scrabble. Le groupe mené par John Paul Pitts sort en 2010 son debut album : Astro Coast, dont on ne tarira pas de louanges. L’énergie de cette pop classieuse et racée, celle de Morrissey tirent des bords le long de cette Côte astrale, Astro Coast, au doux parfum d’Angleterre. Pour mieux oublier l’Amérique.
David Lynch au vidéo club
Si la côte est astrale, Surfer Blood est un satellite. Ils gravitent autour de la brit-pop à coups de guitares légères et tranchantes : la voix fait le reste. On les a découverts avec l’embardée pop Swim, aux guitares à faire pâlir un garçon de plage. L’album nous laissera découvrir les précieuses Harmonix et Twin Peaks. Le chant écume la douceur du rock 70’s entre deux nouvelles vagues. L’avis de gros temps n’est jamais loin, John Paul Pitts éructe, raille et convoque David Lynch au vidéoclub du coin :
why is everything a chore ?
i’m too young to be defeated
let’s make fun at the video store
with blue velvet and other titles
twin peaks and david lynch
met on your couch at syracuse
your sexual advances
are unconvincing and untrue
Impeccable, tenu de bout en bout par le chantre Pitts, l’album à la plus grosse mâchoire de requin vue en 2010 croque la pomme de la référence évidente. En lui faisant un bon détartrage. Le mimétisme briton assure les finitions, le style preppy mais pas trop du chanteur donne le change à la veste de baseball et les converses du chanteur des Drums, Jonathan Pierce. Les deux bands étaient au festival des Inrocks à Nantes, et tous deux projetés comme les rejetons des Smiths. En assistant aux deux sets, il n’y a que Surfer Blood qui tient la comparaison.
La tentation d’une île
Merci le trois-quart travaillé et la moue légèrement dédaigneuse de Pitts. Car il s’agit bien de poseurs-nés pour la plupart, n’aimant pas les poseurs improvisés, les jabronis en slang, auxquels ils consacrent deux titres (Slow Jabroni et Fast Jabroni). Sur le devant de la scène, pas besoin d’artifices. Le set des Surfer Blood prend le chemin de grands instants de rock avant l’heure. Faute d’être insulaires, les Surfer Blood font de la scène une petite île, de laquelle ils envoient la musique à danser au public resté sur l’autre rive. On a une envie folle de les rejoindre, mais le courant de Fast Jabroni est trop instable. Tout comme sur album, on croise Catholic Pagans, une invitation à parler d’amour (ils en parlent d’ailleurs beaucoup) et de Barack Obama :
i don’t wanna be your russian bride not anymore
barack hussein obama would have a field day if he knew at all
De leur île, tout paraît plus simple et surtout mélodique. Ce ne sera que sur la fin que nous comprendrons : les fûts sonnent l’intro du terriblement attendu Swim, le chant peut s’emporter. L’effet est renversant et c’est encore quand la voix de Pitts s’emporte que Surfer Blood est meilleur. Il faut les rejoindre à la nage. Pour une fin, c’est une moment de grâce. Derrière d’autres groupes croiseront le soir même mais rien de comparable à Surfer Blood, qui d’un seul élan jette les standards de la classe pop pour quelques années. Brillant.
West Coast : Warpaint ou la transe rock
sur Majesty ou Bees, l’auditeur se retrouve englouti par une cité des anges vertigineuse, outrancière ou l’homme est noyé, fourvoyé.
Je pourrais disserter sur l’historique de ces quatre californiennes qui composent Warpaint, groupe de formation classique guitares-basse-batterie, penchant vers Siouxsie et The Cure. En n’oubliant pas de préciser quelles fées se sont penchées sur leur berceau en la personne de John Frusciante, éminent guitariste des Red Hot Chilli Peppers lors de leurs meilleures périodes, qui mixa leur premier EP-6 titres : Exquisite Corpse, Josh Klinghoffer guitariste actuelle des Red Hot Chilli Peppers et qui officia à la batterie lors de ce même Ep et Andrew Weatherall producteur remixeur de renom (New Order, Saint Etienne, Björk) qui mixe deux titres de leur premier album The Fool.
Mais passons outre tous ces parrainages et références qui nous feraient presque oublier l’essentiel : Warpaint fait du rock et leur album est « un putain de bon disque », comme disent les jeunes ou les vieux rock’n’rollers !
Sur sa hifi ou sur scène, leur rock mélancolique paré de new wave déchirante, auquel s’ajoute une section rythmique percutante, nous emmène dans une musique de voyage et d’élévation intérieure. Comment ne pas se laisser porter, grâce aux lignes de basses voluptueuses, aux voix entremêlées et à l’étirement des morceaux, vers des contrées où les forêts automnales et sombres nous enveloppent, où l’on s’y égare en dehors de toute temporalité. Sur Majesty ou Bees, l’auditeur se retrouve englouti par une cité des anges vertigineuse, outrancière où l’homme est noyé, fourvoyé, sans repères. L’imagerie du groupe concourt à cette sorte de transe mystique comme sur le clip de Stars où des elfes fantomatiques viennent hanter les sous-bois. Le groupe nous invite dans une ambiance plus mélancolique sur les titres Undertow ou Baby, leurs atmosphères feutrées et nostalgiques nous renvoient à l’élégance de Sofia Coppola pour Virgin Suicides. Les filles de Warpaint se dévoilent en dignes héritières des sœurs Lisbon, souhaitons leur juste une fin plus heureuse.
Romain Ledroit & Vincent Hallereau
Crédit photo : Jeff Koga (polaroid Warpaint)
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