
Festival Univerciné 2010
Dietrich Bruggemann : "J’ai tourné un court-métrage ce week-end, sans argent et d’une façon très spontanée"
Rencontre avec la jeunesse du cinéma allemand
Venu présenter, à l’occasion du Festival Univerciné allemand de Nantes, son premier long métrage et film de fin d’études "Cours si tu peux", le réalisateur en profite pour nous délivrer sa vision du cinéma allemand actuel.
A 35 ans, ce jeune réalisateur n’a pas la grosse tête ni la langue dans sa poche. Conscient des problèmes de son temps, il nous délivre un film engagé mais drôle avec sa sœur comme actrice principale. Cours si tu peux (Renn wenn du kannst) ce sont trois personnages qui voudraient courir mais qui n’y arrivent pas. Il y a Anika, la violoncelliste qui rêve de jouer son morceau préféré sur scène. Benjamin, le paraplégique qui aimerait remarcher. Christian, son auxiliaire de vie, qui voudrait finir son service civique. Un trio amical et un triangle amoureux vont se construire dans l’appartement de Benjamin, où ils vont se créer leur propre monde.
Pour Dietrich Brüggemann, le thème du film n’est pas le handicap, contrairement à ce qu’on pourrait penser, mais « la beauté parfaite ». « C’est un phénomène de société, la beauté parfaite est partout. Tout le monde se sent obligé de se comparer aux images. Quelqu’un qui est handicapé à ce même problème mais à l’échelle supérieur. C’est vraiment caractéristique de notre temps. Le problème de Benjamin est universel. ». La réaction des personnes handicapées était tout de même très importante pour eux : « C’était merveilleux ! Tout le monde a bien réagi. »
C'est un phénomène de société, la beauté parfaite est partout. Tout le monde se sent obligé de se comparer aux images.
La nouvelle école berlinoise ?
Un film engagé certes mais drôle qui caractérise la nouvelle école berlinoise (Berliner Schule) au renouveau du cinéma d’auteur. « On a fait partie de la nouvelle école berlinoise. Mais peut-être que maintenant il y a une nouvelle vague de réalisateurs qui n’ont pas peur de faire des films divertissants sans être stupides. Un cinéma grand public mais distrayant comme avec le film Le Bonheur d’Emma (de Sven Taddicken). Je ne sais pas. » Le réalisateur reste sur ses gardes, ne veut sans doute pas qu’on lui colle une étiquette. Peut-être parce que ce genre n’est pas vraiment défini. Il s’agit plus d’un groupe de réalisateurs tous formés par les écoles allemandes de cinéma avec une envie commune de s’affranchir des règles du marché et de la standardisation. On ne peut pas parler de genre en soi : « C’est devenu compliqué de renouveler l’image du cinéma allemand à cause du marketing. » Il souhaite ce cinéma intimiste ; un reflet de la société allemande actuelle.
Des publics différents
Et le public dans tout ça ? Quand on lui demande si l’accueil du public français et du public allemand est différent, il nous répond d’un ton désabusé : « Je pense que le public français, en général, est beaucoup plus intéressé, plus cultivé. Le public en Allemagne est une catastrophe ! La télé allemande est une catastrophe ! Le public qui vient voir les films art et essai est mauvais. » Alors, à qui la faute ? Au public ? A la machine cinématographique industrielle ?
Après des années où le cinéma allemand s’est perdu dans des comédies commerciales ou des sous-clones hollywoodiens, ces jeunes réalisateurs revendiquent un autre genre. Dietrich nous explique. « Il y a toujours eu deux courants dans le cinéma allemand. L’un avec des films d’auteurs, des films artistiques ennuyeux, et l’autre avec des films commerciaux. Ce qui est étrange, c’est que le film le plus connu en Allemagne n’est jamais sorti en France, peut-être à cause de son humour spécifique qui ne fonctionne pas chez vous. Par contre des films comme Orly (d’Angela Schanelec) sont plus connus en France. On a essayé de combiner ces deux courants. »
J'ai tourné un court-métrage ce week-end, sans argent et d'une façon très spontanée
Le thème de son prochain long-métrage : huit amis qui déménagent. « C’est un phénomène, spécialement à Berlin, tout le monde déménage. » Ce film, sous forme de quatre chapitres comme les quatre saisons, débutera son tournage en janvier prochain. Par ailleurs, le réalisateur a réalisé un cours-métrage peu avant le festival Univerciné : « J’ai tourné un court-métrage ce week-end, sans argent et d’une façon très spontanée ». Le sujet : le débat public en Allemagne sur l’islam et l’immigration.
Des jeunes réalisateurs qui peinent à s’établir dans leur pays d’origine, mais qui sont tout de même salués par le public français et la critique qui parle désormais de « Nouvelle vague allemande ».
Marine Lomellini
Portrait de D. Bruggeman : Sidney Le Bour
Infos :
La bande-annonce du film "Cours si tu peux"
Site du festival Univerciné allemand
Pour aller plus loin :
La nouvelle vague allemande, article de la Gazette de Berlin
Entretien avec Sarah Mersch, Critique de cinéma en Allemagne, sur le webzine Il était une fois le cinéma.
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