
CARNET DE FESTIVAL
Soy : rock positif ou rock à capuche, c’est selon
SOY : quatre jours de rock indé à Nantes
En venant à SOY, je m’attendais bien à faire le tour du rock indépendant en passant par Brooklyn, après avoir traversé l’Europe. Par contre, je n’aurais jamais pu prévoir le headbanging pour célébrer l’émergence du rock positif.
Ce carnet commence un soir. Logique. Pour la première soirée du SOY édition 2010, on a rendez-vous au Pannonica, le temple du jazz à la nantaise. Notons que la scène n’est que très peu sur-élevée par rapport au public. L’ouverture sera pour François and the Atlas Moutains, vu ici et là sans pour autant garder un souvenir précis d’un set. Une erreur ?
Mais alors pas du tout. François and the Atlas Moutains. C’est le projet d’un français exilé à Bristol, sur laquelle il a dressé ses rêves pop et rencontrer ses musiciens. Un groupe français donc, qui chante en anglais. Jusque là, normal. Ces jeunes gens ajoutent une influence tribale à leur pop songs. Voilà la section rythmique affublée d’un Dun-Dun, instrument de percussion mandingue utilisé pour donner le rythme au Djembefola. Bon. Mis en dehors du fait que l’idée n’est pas neuve, on peut y voir un brin de fantaisie.
Le set a une allure de stage d’initiation à la danse africaine avec des Fenders en bandoulière
On mettra aussi sur le compte du brin de fantaisie cette manie, assez désagréable, de sautiller partout en jouant de leurs instruments. Tout le monde saute, et on se demande si ce n’est finalement pas pour que le public daigne les regarder un peu. Le set a une allure de stage d’initiation à la danse africaine avec des Fenders en bandoulière. Ce qui en soit, fait autant de mal au mythe de la Fender qu’à la danse africaine.
L’émergence du rock positif
Faisons une ellipse pour nous retrouver en fin de soirée du vendredi au Floride. The Chap s’enflamme, et la scène avec. Le public reprend en chœur les paroles de Keith Duncan et Panos Ghikas. Trans-Europe Express arc-en-ciel, The Chap théâtralisent leur prestation, à coup d’Iphone utilisé comme un instrument ou de mimiques caricaturales. A ce jeu, le batteur est imbattable, à mi-chemin entre Robert Wyatt et le sourire crispé de Bruce Lee. Brillant.
The Chap - Remember Elvis Rex (live au Festival SOY #8) from Anousonne Savanchomkeo on Vimeo.
Mais, que se passe-t-il ? Ces deux groupes semblent être éperdument joyeux, le sourire jusqu’aux oreilles. Le rock positif, ça arrive pour 2011 ? Cette débauche de joie de vivre et de positivisme sur scène surprend réellement. On ne sert en aucun cas les images du rock. François ans the Atlas Mountains fait dans le sautillant et les paillettes. Avec the Chap, le Floride prend l’allure d’un zinc à Ostende, ça chante en cœur et débraillé, sans retenue. Pour the Chap, nous en sommes même à la frontière du stand-up : le set est entrecoupé de blagues, anecdotes et tweets. #infiniteenergy. Weezer peut se mettre au régime après Hurley, ça revient pour eux.
Le rock positif, ça arrive pour 2011 ?
C’est le seul parallèle possible entre ces deux groupes, The Chap ayant le mérite d’enflammer les débats et de relever le public du pourtant très fin - mais sans doute vaporeux - set de Turzi. Cette passion soudaine du public, plutôt habitué à tapoter du pied en sirotant un demi devenu tiède, est carrément intrigante de l’extérieur. On a vu du headbanging sur The Chap. Un symbole de l’énergie qui s’est emparé du public à ce moment précis. Le set de The Chap se termine en effilage de crin d’étalon sur cordes frottées. Jusqu’à la rupture : une cacophonie presque intéressante, mais surtout nerveuse et pas maîtrisée, comme une première fois. En dehors du fait qu’on ne sait si à ce moment précis, ils jouent pour se faire plaisir ou pour communiquer leur extrême joie au public, on restera quand même sur un goût de brouillon.
Blank Dogs. L’exact opposé du rock positif débarque sur la scène du Pannonica. Et là, on tient quelque chose.
Les trottoirs sont crasseux, le ciel plombé. De chaque côté, d’anciennes usines, tout juste bonnes à produire d’immenses navires de guerre. Aujourd’hui, une autre industrie, bien installée, celle des médias. Brooklyn. Un nom qui tourne à jamais dans les Ghettoblasters de ceux qui ont toujours cherché la plus fine de la East Coast. Aujourd’hui, MGMT, Liars et d’autres y esquissent la pop des années 10. Sortis de nulle part, les Blank Dogs. On les aurait aisément imaginer filer à l’anglaise pour rejoindre les fantômes d’une cold-wave en ruine, mais il n’en est rien.
Jouer son set en parka comme le chanteur Mark Snipers ou passer le concert le corps courbé sur les rondeurs de l’instrument, comme la guitariste
Sortis du borough le plus peuplé de New-York, les américains de Blank Dogs revendiquent le froid comme posture, la non-chalance comme carte de visite. La preuve ? Jouer son set en parka comme le chanteur Mark Snipers ou passer le concert le corps courbé sur les rondeurs de l’instrument, comme la guitariste. S’en dégage un autre Brooklyn que celui des clips issus de l’imagerie hip-hop : un Brooklyn qui sent le bitume brûlant et la fumée noire des dernières industries. Chaotique et riot insoupçonnée, la musique des Blank Dogs n’a du métal que l’hurlant. Le reste, c’est une classe qui va chercher trente ans en arrière, et de l’autre côté de l’Atlantique, dans cette enclave de 78, le label Factory. Enclave à son tour dans un Brooklyn transcendé par les genres, le son des Blank Dogs est un trait d’esprit noir, un coup dans les côtes qui laisse le souffle court.
En deux ans, ils ont sortis deux albums. Under and Under de 2009 et Land Fixed en 2010. La musique des Blank Dogs ce n’est pas un hasard, ne s’est jamais mieux sentie qu’en 2009, année de la crise. Annoncée comme année de la relance, mais personne ne s’y est trompé, 2010 a vu l’arrivée de la synth-pop chez les Blank Dogs. Un électronicien, tout sauf new-wave, s’occupe de lancer les samples et les effets sur les instruments. Certains trouveront que les Blank Dogs s’y perdent. Une chose est sûre : c’est pus la crise.
Tordre le cou au Kinks
Alors qu’elle bidouille son troisième walkman en le branchant sur une pédale wah-wah, elle relève enfin la tête. C’est la vingtième minute du concert et la troisième chanson. Le regard innocent, Meghan Remy, envoie une nouvelle salve d’infrabasses qui font clairement passer un sale quart d’heure au lustre du Violon Dingue. U.S. Girls, c’est elle. A elle toute seule. Les U.S. Girls, on les retrouve dans les diffractions de voix par une pédale loop. Dans un vacarme assourdissant, elle branche, débranche et sample des fragments de bruit.
Les US ont une nouvelle prétendante comme égérie du pays et la clique de Touch and Go Records y trouvera sa flamme noise
Sa voix, cristalline si Katie Stelmanis n’existait pas, mute et s’acoquine de sons saturés, de rythmique tribale. Pachydermique et lancinante, la musique est un flot continu : pensez à un live d’Animal Collective ou de Gang Gang Dance sur Raw War EP par exemple. Jeune et jolie, mais avec une saturation qui ferait peur à un Blank Dogs. C’est l’idée de U.S. Girls. L’exercice de style devient terriblement amusant quand elle tord le cou au Kinks, en fin de set. Elle a l’allure de Joanna Newsom, l’emphase de Zola Jesus. C’est une invitation aux larsens et aux bruit, pliée en trois quarts d’heures. Les US ont une nouvelle prétendante comme égérie du pays et la clique de Touch and Go Records (Cocorosie, Metallic Falcons..) y trouvera sa flamme noise, il n’y a plus qu’à faire les présentations.
Aujourd’hui, deux albums, Introducing US Girls et Go Grey sont disponibles. Les deux se répondent dans cette bidouille et cette ambiance fumeuse, mais pas fumiste. Qu’on soit clair : la bidouille et l’expérimental ont souvent bon dos. N’empêche que là, c’est vraiment très fort.
En quatre jours, mon carnet a pris la pluie. C’est sur le tourbillon US Girls que je le ferme. Le dimanche, les Liars viendront clôturer ce festival SOY huitième édition, beau jusqu’au coup de crayon de l’affiche.
Romain Ledroit
Bloc-Notes
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