
Young Marble Giants à L.U. et The Vaselines pour Sex With An X
Aux origines d’une certaine pop
Les Young Marble Giants à l’affiche du Lieu Unique et un nouvel album des Vaselines. Quatrième dimension ou mauvaise idée caractérisée ? Le retour de ces deux références de l’indie music, c’est revivre la fracture rock estampillée 1980 : quand la musique devient froide. Sans revival vintage.
Kurt Cobain le passeur inévitable
Tout au long de ses interviews ou de son journal [1], Cobain ne cache jamais ses influences et les groupes qu’il aime : des inévitables Beatles, Stooges, Velvet Underground aux plus méconnus Blue Cheer, Flipper ou Beat Happening. Il permet ainsi à une nouvelle génération de (re)découvrir les fondamentaux de la culture rock, ceux qui firent éclore tous ces groupes indépendants, l’indie rock, que l’on chérit tant en ce début des années 90. Aujourd’hui deux de ces références reviennent titiller nos oreilles : les gallois de Young Marble Giants et les écossais de The Vaselines, après 30 ans de silence pour le premier et 20 ans pour le second. Que reste-il de leur musique à présent ?
Young Marble Giants : l’obscure élégance
trois jeunes gallois entrent en studio pour enregistrer en cinq jours un album qui changera la donne de la pop music et du rock
Colossal Youth (paru en février 1980), des Young Marble Giants, avec quelques autres, est un album de rupture, qui marque un tournant dans l’histoire de la musique. Fin des années 70, le punk est la musique dominante depuis quatre ans. Mais cette musique de l’énergie pure, de la colère, de la jeunesse, commence à s’essouffler quelque peu. Sid Vicious meurt en 1979 et emporte avec lui l’esprit punk. Et de son côté John Lydon sort déjà Metal Box deuxième album de son projet P.I.L, où le tempo est très ralenti avec une basse presque "dub". Cette même année, trois jeunes gallois entrent en studio pour enregistrer en cinq jours un album qui changera la donne de la pop music et du rock. Fini les guitares sales et saturées, le chant braillard et revanchard, place à la retenue, l’élégance, le lyrisme et à une certaine froideur. Stuart Moxham, guitariste et unique compositeur, crée en 40 minutes et quinze titres un nouvel univers, où s’engouffreront par la suite une kyrielle de groupes estampillés new-wave ou cold-wave. Il est épaulé dans cette création par son frère Philip Moxham, bassiste au jeu riche et impressionnant, devenant l’armature solide des chansons. Cette basse omniprésente et volubile permet à Stuart d’apposer riffs épars bien sentis et arpèges aériens. Durant l’enregistrement, leur cousin Peter Joyce vient apporter une touche "futuriste" à leur musique avec ses rythmiques martiales jouées aux synthétiseurs ou au stylophone. Sur cet étrange lit musical, Alison Statton couche ses comptines obscures de sa délicate et impassible voix. Mené par son fort égo, Stuart Moxham préfère continuer seul, le groupe se sépare alors, après seulement quelques dates en Europe et aux USA, laissant derrière lui un unique album et quelques faces B. Colossal Youth remporte un succès critique et public, et sa résonnance se fait entendre encore aujourd’hui, et ce ne sont pas Portishead, The XX ou même Dominique A -réécoutez bien Le Courage Des Oiseaux ou Le Sens- qui me contrediront.
The Vaselines : essentiel second couteau
Les Vaselines se séparent une semaine après la sortie de leur unique disque, en ayant écrit pourtant les bases de ce que l’on appelle aujourd’hui l’indie-rock
De leur côté, The Vaselines apparaissent sept ans plus tard à Glasgow, Ecosse, autour du couple Eugene Kelly et Frances McKee. Eugene Kelly compose dix-neuf titres, entre 1987 et 1990, pour 54 minutes de bonheur, qui voient le jour sous la forme de deux maxi 45 tours et d’un album Dum-Dum. Les Vaselines se séparent une semaine après la sortie de leur unique disque, en ayant écrit pourtant les bases de ce que l’on appelle aujourd’hui l’indie-rock. Des guitares rythmiques solides, peu de solos, une batterie spartiate, des voix qui s’entremêlent, et un goût prononcé pour de légères provocations : Rory Rides Me Raw, You Think You’re a Man, ou Monsterpussy. C’est certainement ce qui fait chavirer Kurt Cobain et avec lui toute cette nouvelle génération de rockeurs, de Yo La Tengo à Pavement. Cobain allant jusqu’à reprendre deux titres des Vaselines sur Incesticides, un album de faces B de Nirvana, et la chanson Jesus wants me for a Sunbeam pour le MTV Unplugged. Aujourd’hui les Vaselines, tout comme les Young Marble Giants, reprennent la route mais eux font le choix risqué de sortir un nouvel album : Sex with a X. Comment, vingt ans après son premier opus, retrouver la fougue de sa jeunesse perdue et l’élan artistique des débuts ? C’est pourtant chose faite avec ce disque, enrichi d’une distance et une ironie des plus salvatrice sur ces douze nouveaux titres, comme sur : I Hate the 80’s, MyGod’s Bigger Than Your God. A voir le clip de Sex with a X pour se rendre compte de toute la dérision que le groupe peut avoir. Les guitares sont toujours aussi puissantes et les mélodies accrocheuses. C’est certainement l’album que les Pixies rêvent d’écrire depuis 1991, mais qui hélas ne rencontrera pas les foules.
Pourquoi ces reformations ?
Je dois le reconnaître les reformations de vieilles légendes nourrissent mes cauchemars. Pourquoi Iggy Pop et les frères Asheton décident-il de reformer les Stooges et d’enregistrer, 34 ans après le magistral Raw Power, l’indigent The Weirdness ? Le scepticisme me gagne quand on assiste aux piètres retrouvailles scéniques de P.I.L., Hole, ou Soundgarden. Même si chacun des membres de Young Marble Giants et des Vaselines continuent tant bien que mal à sévir en solo dans l’univers du rock, leur carrière reste plutôt dans un underground des plus profonds. Que ce soit Eugene Kelly avec ses pourtant brillants Captain America / Eugenius ou Stuart Moxham avec ses dispensables albums solos, ils n’arrivent pas à revivre l’effervescence de leurs groupes originels. Est-ce alors une réelle volonté artistique ou une motivation des plus mercantiles qui les poussent à revenir sur la scène aujourd’hui ?
Pourtant, je dois le concéder, mes réticences tombent devant le retour des Young Marble Giants et des Vaselines, la classe et l’humilité l’emporte. Le plaisir partagé de ses retrouvailles m’amène à réaliser leur place dans un inconscient collectif qui imprègne un grand nombre de productions actuelles, de Beach House à Animal Collective.
En en parlant à la rédaction, ça nous a donné l’idée de faire un article sur les reformations dans le rock. Un mythe à la dent dure ! A suivre...
Texte : Vincent Hallereau Photos : Patrice Molle
[1] Kurt Cobain, Journal, 10/18, 2002
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