Festival
30 ans de festival d’opéra à Saint-Céré : authenticité et passion
Pour son trentième anniversaire, le festival de Saint Céré a confirmé son désir de rencontrer de nouveaux publics tout en assumant un mélange des genres qui fait du bien, dans un paysage artistique trop souvent cloisonné.
L’un des points forts du festival est sa capacité d’adaptation. Il faut, en effet, que les spectacles soient repris en tournée dans des lieux très divers, en faisant parfois de pauvreté vertu, et que l’on trouve des solutions rapides à toute forme de dysfonctionnement.
L’interprète initialement prévu pour interpréter Rodolphe dans « la bohème » ayant déclaré forfait à quelques jours de la première, c’est au ténor qui chante dans « la belle de Cadix » que l’on a demandé de sauver la situation. L’opéra de Puccini était chanté en version française et Andréa Giovannini ne connaissait que la version italienne. Il en a résulté une contrainte de jeu qui a produit quelques instants de grâce. Mimi s’adressait à Rodolphe en français tandis qu’il lui répondait dans une autre langue.
De telles contraintes, une fois la première surprise passée, conduisent généralement à de beaux moments de théâtre. On se souvient d’une représentation de « Madame Buterfly » à l’opéra Bastille où la mezzo Hanna Schaer interprétait le rôle de Suzuki depuis la fosse d’orchestre, tandis que la titulaire, souffrante, jouait le rôle, dans la vision hiératique de Robert Wilson, sur le plateau. L’enjeu était très fort pour faire vivre les situations autrement et Hanna Schaer, dans son espace réduit, jouait parfois malgré elle en inventant des solutions d’un grand pouvoir d’évocation, en un troublant écho à ce qui se déroulait au dessus d’elle.
Ce qui s’est passé au château de Castelneau, pour cette représentation de « La bohème » était du même ordre. Le langage s’affirmait par delà les mots et la connivence entre Isabelle Philippe et le ténor a permis des dialogues improbables d’une rare poésie. Cette ironie du destin était un joli prélude à la reprise de « une carmen Arabo-andalouse », qui associe la partition de Bizet avec des musiques orientales.
Le célèbre opéra trouve ainsi de nouveaux contours et d’autres sonorités, le résultat fonctionnant à la perfection, parfois même dans une sorte d’évidence, comme dans le très beau prélude du troisième acte, qu’on a le sentiment d’avoir toujours entendu ainsi ornementé. L’action de l’opéra a été resserrée, certains personnages sont supprimés pour un spectacle ainsi plus proche de la nouvelle de Mérimée.
Le choix de « la belle de Cadix », montée avec une énergie folle et une exubérance qui rappelle les films de Pedro Almodavar, apporte une touche d’humour et de légèreté à la programmation. Eduarda Mélo, éclatante Musette de La bohème, a donné à entendre dans sa composition de Maria Luisa, d’étourdissantes vocalises. Ce n’est pas rien d’enchaîner au cours d’une même soirée, pour le chef d’orchestre comme pour le public, un Requiem de Mozart plein de ferveur et l’opérette de Francis Lopez : une preuve que le mélange des genres est une chose possible !
Des artistes habités et un esprit de troupe
Loin de la jeune femme fragile, déjà atteinte par la maladie en entrant en scène, elle s'impose d'emblée par une réelle envie de vivre, en parfaite osmose avec les artistes bohèmes qu'elle fréquente
Le choc de l’édition 2010 du festival de Saint Céré a été la composition lumineuse de Mimi par Isabelle Philippe. Cette magnifique soprano, aux aigus aériens, a donné une vision du personnage en rupture avec une certaine tradition. Loin de la jeune femme fragile, déjà atteinte par la maladie en entrant en scène, elle s’impose d’emblée par une réelle envie de vivre, en parfaite osmose avec les artistes bohèmes qu’elle fréquente, et une touchante lumière intérieure. Comme dans la vraie vie, ce n’est que progressivement qu’elle est atteinte par le mal qui met fin à ses jours. Elle offre ainsi une trajectoire humaine en qui chacun peut s’identifier.
Son chant est d’une grande pureté et cette artiste semble habitée par un réel bonheur d’être sur le plateau. Elle interprétera Olympia dans « les contes d’Hoffmann » à l’opéra de Massy en janvier 2011 et apportera ses vocalises cristallines et une palette de couleurs riches et contrastées à cette figure fantastique.
Pour la scène de fête au café Momus, Olivier Desbordes s’est souvenu de figures grimaçantes et expressionnistes qui, de « l’opéra de quat’sous » au « brave soldat Schwek » ont hanté ses spectacles. On a le sentiment de retrouver des visages familiers ,d’une fête à laquelle on s’accroche envers et contre tout. Le quatuor des bohèmes est d’une sincère connivence et très homogène.
Ce beau travail est rendu possible grâce à l’esprit de troupe insufflé par le festival. Les habitués reconnaissent avec émotion, parfois pour de petits rôles, des artistes vus au cours des autres années, comme dans des théâtres de troupe où les artistes alternent des compositions réduites avec d’autres plus importantes, avec l’idée, essentielle, que chacun a une même importance sur le plateau.
Ainsi, on est touché de retrouver la présence intense de Béatrice Burley, faisant quelques apparitions dans « une carmen andalouse » et « la belle de Cadix », en attendant de la voir dans un rôle plus important dans « Eugène Onéguine » de Tchaikovski pour l’édition 2011. On se réjouit aussi de la performance en Mércedes de Dalila Khatir, une artiste qui a produit une très forte impression dans « le concile d’amour » en 2009 à Angers Nantes Opéra. Elle insuffle à chacune de ses apparitions dans « une carmen arabo-andalouse », une vie et une énergie incroyables. Dominique Trottein dirige avec beaucoup d’imagination cette Carmen arabisante, où musiciens orientaux et occidentaux se rencontrent. Le résultat est d’une beauté saisissante.
L’édition 2010 du festival a été un feu d’artifice vocal et scénique, magnifié par de beaux lieux , le château de Castelneau ou de Montal,où le temps paraît suspendu !
Chronique : Christophe Gervot
Photos :
Photos 1 et 4 : Eduarda Mélo, Par Fish Eye Photos 2 et 3 : Isabelle Philippe
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