Berlin : "We are not underground, you just can’t see us"
L’étau se reserre à Berlin. Le Tacheles est à nouveau menacé de fermeture. La kunsthaus, littéralement "maison des artistes", la plus célèbre de Berlin voit son bail arriver à expiration d’ici deux mois. Avec la fermeture de ce lieu, c’est un symbole du Berlin dit "alternatif" qui disparaîtrait.
Le Tacheles n’est pas la seule kunsthaus de la ville, pourtant elle fait figure d’exception. Ce bâtiment centenaire a vu passer l’histoire de Berlin du XXème siècle. Aujourd’hui, une trentaine d’ateliers sont réunis dans cet immense bâtiment de 9000 mètres carrés ouvert toute l’année.
le dépaysement est assuré
Dans le quartier de Mitte, davantage habitué aux devantures des magasins de luxe et aux cafés plutôt distingués, la façade défoncée du Tacheles détonne. Le week-end dernier, et on imagine que c’est une habitude, la foule des touristes venus d’Europe entière se presse aux portes du Tacheles. On vient découvrir ce lieu symbolique de l’histoire alternative de Berlin, appareil photo autour du cou. Les studios d’artistes se succèdent. Certains proposent des collages mettant en scène Superman au volant d’une Lada, d’autres des peintures héritées du dripping de Pollock. A l’étage, un trio vaguement rock s’évertue à jouer un titre qui pourrait ressembler au Ramones. Pour deux euros, n’importe quel visiteur peut remplacer le guitariste et jouer un morceau avec le groupe. Dans la cour, à côté des bars, des ferrailleurs s’activent sur d’imposantes sculptures sorties d’un film de science-fiction. Pour les touristes, le dépaysement est assuré.
En définitive, personne n'est vraiment sûr de ce qui arrivera à Berlin d'ici quelques années.
"Le Tacheles est juste une version sale de World Disney. Demandez à n’importe quel Berlinois à quand remonte la dernière fois qu’il y a été, ce sera probablement il y a dix ou quinze ans. C’est comme une relique vide." Ces mots, publiés dans l’International Herald Tribune, viennent d’une interview de Jörg Roch. Il est directeur du magazine culturel transnational 032c. Lui, n’est pas dépaysé. En attendant, dans ce sale "World Disney", le Tacheles, des A4 imprimés sont affichés sur tous les murs. En titre : Support Tacheles. Des pétitions circulent pour empêcher la fermeture du lieu, comme en 2008. En consultant la dizaine de registres on ne voit qu’une ou deux signatures de Berlinois. Le reste ? des touristes. Entre les registres et la déclaration de Jörg Roch, on a l’impression que ce lieu serait davantage soutenu par les alternatifs d’un jour que par les habitants de Berlin. Ils y verraient des vitrines touristiques un peu plus travesties chaque année. Triste sort pour un lieu sensé représenter la culture alternative, typique de Berlin.
Le mythe de l’underground a du plomb dans l’aile. En définitive, personne n’est vraiment sûr de ce qui arrivera à Berlin d’ici quelques années. En attendant, dur de croire que la disparition d’un lieu changera la donne : l’héritage est ailleurs. le conseil viendrait de la rue, vu à un croisement du côté de Prenzlauer Berg. Un monstre au regard gentil joue à cache-cache derrière une église. Le slogan : "We are not underground, you just can’t see us" (Nous ne sommes pas underground, c’est juste que vous ne nous voyez pas). Alors, Tacheles ouvert ou fermé, la culture alternative, on veut l’imaginer ailleurs.
Romain Ledroit
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