Afrique du Sud
L’Opéra de Cape Town bouillonne d’initiatives
Entretien avec Michael Williams, Directeur de l’Opéra de Cape Town
La France va découvrir un spectacle de l’Opéra du Cap en septembre prochain. Le théâtre du Châtelet va en effet accueillir la comédie musicale « Show Boat  » de Kern et Hammerstein II , du 2 au 19 Octobre 2010. Nous avons rencontré Michael Williams, directeur de l’institution sud-africaine, à Cape Town : tradition, modernité et recherche de nouveaux publics.
Fragil : Pouvez vous présenter « Show Boat », le spectacle que l’opéra du Cap va représenter au théâtre du Châtelet à la rentrée ?
Michael-Williams : « Show Boat » a déjà été présenté trois fois en Europe, à Nuremberg, à Oslo et à Malmö. C’est une comédie musicale dont la musique est très proche de l’opéra et dont le sujet est un mariage inter racial entre blanc et noir. C’est un prétexte pour mettre en valeur différents mondes. Les protagonistes sont divisés en trois groupes : il y a des noirs qui travaillent dans un port, des blancs qui résident dans la ville et des acteurs. Ce sont trois mondes très cloisonnés, dont la coexistence rappelle ce qui se passe en Afrique du sud. L’œuvre s’appuie sur un fascinant jeu de théâtre dans le théâtre et a pour cadre un bateau sur le Mississipi. Nous nous réjouissons de présenter ce spectacle à Paris.
Fragil : Vous venez de créer en juin 2010 African songs book, un opéra sur Nelson Mandela. Que raconte cette œuvre et quelles ont été les réactions du public ?
M-W : Il s’agit d’un hommage à Nelson Mandela. L’opéra est divisé en trois actes et constitué de sources et de citations musicales diverses. Le premier a pour titre « Qunu oratorio ». C’est l’évocation de l’enfance de Mandela, de ses années d’apprentissage, à travers des folksongs Xhosa. Qunu est son village natal. L’un des chefs du village, a produit une très forte impression sur l’adolescent en lui faisant une prophétie, qu’il serait toujours au service de l’homme blanc, malgré l’initiation qu’il avait reçue, selon la coutume Xhosa. . Cette idée a été déterminante dans le combat qu’il allait ensuite mener. Il a refusé la dot qu’on lui proposait pour épouser une femme qu’on lui destinait et s’est enfui à Johannesburg. Le thème musical du deuxième acte est le jazz, en relation avec l’éviction des noirs, relayés dans un quartier en train de se faire, à la fin des années 50. C’est la naissance de Soweto. Nelson Mandela est avocat. L’une des scènes se déroule dans un bistrot, à la veille de très violentes émeutes racistes. Le troisième acte est construit comme un opéra moderne et se déroule sur un temps très long, de 1961 à 1990. Il s’ouvre sur le massacre de Sharpeville, en 1961. Les noirs étaient obligés de se promener avec des passeports et des femmes, lors de manifestations, ont brûlé ces signes distinctifs. Les représailles ont été terribles et il y a eu beaucoup de morts. Cet acte évoque aussi le jugement de Mandela, en 1963, sa longue incarcération à Robben Island et sa libération en 1990. Il y a des moments très lyriques. Pour l’instant, une tournée nationale de cette œuvre est prévue en Afrique du Sud, à Durban, à Bloemfontein et à Johannesburg. Chaque soir, au Cap, il y avait une standing ovation. Nous espérons vivement reprendre cette partition très intense ailleurs.
Fragil : Quelles sont les activités de l’opéra du Cap ? Quelles en sont les priorités ?
M-W : Nous sommes convaincus que nous devons montrer l’opéra à travers tout le pays. L’Afrique du sud est un très grand pays et nous nous produisons dans des régions très reculées, devant des publics qui n’ont pas accès à l’art lyrique. De plus, ces tournées hors les murs sont une bonne école pour encourager et développer de nouveaux talents. Par ailleurs, nous avons offert à Cape Town une très belle production du « chevalier à la rose » de Richard Strauss en mai dernier et nous préparons pour septembre une nouvelle mise en scène de « Lucia di Lamermoor » de Donizetti. En novembre,ce sera une création qui a pour titre « Cinq fois vingt ». Ce sont 5 opéras de 20 minutes chacun, faits par des compositeurs sud africains. En dehors de la présentation de « Show boat » à Paris, nous serons en novembre à Tel Aviv pour des représentations de « Porgy and Bess » de Gershwin.
Nous allons présenter « Fidelio » de Beethoven en mars 2012 à Robben Island, dans la cour intérieure de la prison, où Nelson Mandela a été enfermé durant 18 ans, avant d’être transferé ailleurs.
Fragil : Quels sont les projets importants pour les saisons à venir ?
M-W : Il y a un projet qui me tient particulièrement à cœur. Nous allons présenter « Fidelio » de Beethoven en mars 2012 à Robben Island, dans la cour intérieure de la prison, où Nelson Mandela a été enfermé durant 18 ans, avant d’être transferé ailleurs. Cet opéra traite de l’emprisonnement et de la liberté, sur fond de régime totalitaire et il s’achève sur un magnifique hymne choral. Il trouve de bouleversantes résonances avec cette partie de la vie de Mandela. La mise en scène sera transposée dans un contexte sud africain, au XXème siècle, avec des chanteurs noirs. Il faudra s’adapter aux conditions extérieures, amener tout le dispositif scénique. Il y a un chœur de 80 personnes. Nous pourrons accueillir 1000 spectateurs sur l’île et nous proposerons une projection simultanée sur un écran géant, au Green point stadium de Cape Town, l’un des stades qui a accueilli une demi-finale de la coupe du monde de football, devant 70000 personnes. C’est un bon moyen pour démocratiser l’opéra !
Fragil : Si vous aviez à donner une définition de l’opéra, quelle serait-elle ?
M-W : En Afrique du sud, le chant est inné et la musique d’un opéra a un grand pouvoir de transformation du réel. Raconter une histoire en chantant a, ici, une valeur très forte et donne un pouvoir universel à toute une culture.
- Propos recueillis par Christophe Gervot à l’opéra de Cape Town le 5 juillet 2010
- Photos : Alexandre Calleau
Show Boat :
- Dates de représentations de « Show Boat », production de l’opéra de Cape Town, au théâtre du Châtelet
- 19 représentations du 2 au 19 Octobre 2010
- locations : 01 40 28 28 40
- Plus d’infos : www.chatelet-theatre.com
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