
Francofolies de La Rochelle 2010
Not Ze Francos : l’Anglais en première langue
Focus sur la nouvelle scène du festival : Not Ze Francos où les nouveaux talents de la chanson française ne chantent pas en français mais en anglais. L’occasion pour nous de découvrir trois d’entre-eux : Lilly Wood and the Prick, Las Ondas Marteles, Hindi Zahra.
Il paraitrait que les français sont allergiques à la langue de ce cher Shakespeare. Ils préfèrent sans doute leur langue d’origine, celle de Molière, raffinée et à la jolie renommée. Jusqu’ici la chanson française avait elle aussi affirmée cette préférence mais c’était sans compter sur cette nouvelle jeunesse déraisonnable et musicienne qui tente de pointer le bout de sa guitare électrique depuis quelques années maintenant.
Cette nouvelle vague de jeunes talents souvent étiquetées par des termes étriqués (« nouvelle scène française », « folk »...) a pu cette année trouver refuge dans le temple estival de la chanson française : Les Francofolies de La Rochelle. Rien que pour elle, Les Francofolies, en partenariat avec Les Inrockuptibles, ont construit une scène en marge de la très respectable scène de Saint Jean d’Acre.
Basé au Gabut, repère de la jeunesse Rochelaise, ce nouveau lieu, baptisé très sobrement Not Ze Francos, fut le tremplin des jeunes talents pendant cinq jours de festival. Tous les artistes n’ont pas choisi le français en première langue et c’est tant mieux ! Petite leçon de musique (et de langue donc) avec trois d’entre eux : Lilly Woodand The Prick, Las Ondas Marteles et Hindi Zahra.
Lilly Wood and The Prick : Pop & Folk sucrés à consommer sans modération !
Quand Lilly Wood déboule sur scène avec sa jolie robe à couleurs vives et son timide minois, on avoue se demander comment elle va réussir à enflammer le Gabut. Il suffit pourtant que la belle (Nili Hadida) ouvre la bouche pour lâcher un anglais fracassant et que son fidèle compagnon (Benjamin Cotto) s’amuse avec sa guitare pour que tous les doutes de la première impression s’évanouissent. Lilly Wood and The Prick est un duo né en 2008 avec le titre « Water Ran » sur la compilation Folk&Proud du label Naïve. Puis, petits malins qu’ils sont, le tandem a agité la toile il y a quelques mois avec leur reprise acoustique de « L.E.S Artistes » de Santogold. Ça fleure bon le folk, la simplicité sincère, la liberté retrouvée... mais ce n’est pas seulement du folk que Lilly Wood joue sur scène avec sa casserole, son mégaphone et ses multiples instruments !
Moins folk que Cocoon, plus coloré encore que The Do, Lilly Wood and The Prick débarquent sur la scène de Not Ze Francos avec dans les poches un nouvel album sorti au printemps dernier et produit par le label indépendant Cinq7. Album fait de contradictions et de sentiments, Invincible Friends refuse catégoriquement le cloisonnement à un genre musical. Tantôt folk, tantôt pop, tantôt gai, tantôt triste, Lilly Wood and The Prick content le passage à l’âge adulte et les désillusions amoureuses qui vont avec, le tout de façon enfantine dopée par une bonne dose de vitamines.
Album idéal pour les mélancoliques, les rêveurs et les amateurs d'une folk large et colorée
Album idéal pour les mélancoliques, les rêveurs et les amateurs d’une folk large et colorée, ce premier opus donne lieu à un spectacle enchanté, un truc à dévorer autant sur la platine que sur scène. Prolifique et féerique, Lilly Wood and The Prick aura séduit toute l’assemblée de la scène de Not Ze Francos. Des spectateurs conquis par cette capacité musicale riche qui les aura emmené dans une contrée très lointaine, au pays des rêves sûrement. Un pays où le show est roi, où les « Lilly je t’aime ! » auront fusé à tout va, où Lilly aura fait huer un garçon qui l’a largué par tout un public compréhensif et où ce dernier, véritable complice de Lilly Wood and The Prick, aura terminé sur scène au côté de la belle et de ses musiciens sur l’air libérateur de « Little Johnny ». Le genre de concert que l’on est certainement pas prêt d’oublier !
Las Ondas Marteles : Un air de famille et de rockabilly
Un concert, c’est toujours l’occasion parfaite pour voir opérer un coup de foudre inattendu. Vous attendez avec impatience tel artiste, sans accorder la moindre importance à celui qui va le précéder sur la programmation, et manque de chance vous tombez raide dingue de l’inconnu en question ! L’inconnu a ici pour nom : Las Ondas Marteles. Il est d’ailleurs venu d’une terre inconnue, un passé vivace, un sud salvateur. Entre rockabilly, jazz, country et autres genres musicaux venus d’outre-Atlantique, Las Ondas Marteles insurgent ce besoin d’exotisme, de retour aux sources capitales pour la survie des mémoires. Ce soir-là, alors que le vent rochelais emportait avec lui la voix enfantine de Cœur de Pirate et de ses bluettes de l’autre côté du Vieux Port, la scène de Not Ze Francos, elle, offrait à son public des bluettes d’un autre temps. Une bulle captivante dessinée par le souple doigté d’un guitariste et les pas ensorcelants d’un interprète charmeur.
En 2004, trois musiciens (Sarah Marcia, Sébastien Martel, Nicolas Martel) issus d’univers artistiques très différents se réunissent pour un album inclassable : Y Despues de Todo, disque hommage au compositeur cubain défunt Miguel Angel Ruiz. Cinq ans après, le trio original n’a pas oublié la chaleur du boléro mais a préféré s’attarder sur les rythmes du grand sud américain et sur quelques héros du rockabbily des fifties avec un nouvel album intitulé On da rocks. Sur la scène de Not Ze Francos, Las Ondas Marteles est venu entre frangins seulement, ce qui ne déplut pas aux femmes de l’assistance. Il faut dire que ces deux charmeurs sur scène avec leurs déhanchés suggestifs et leur second degré ravageur avaient de quoi mettre dans leur poche un public hypnotisé par leur prestance scénique et le bon goût de leurs classiques et raretés revisités avec les moyens du bord : maracas, quelques pas de danses, synthé qui hulule, voix de crooner et petits cris suaves !
Déhanchés suggestifs et second degré ravageur
Jukebox recelant de trésors anciens et précieux, Las Ondas Marteles dépoussièrent avec un plaisir affirmé des joyaux de la musique de jadis que l’on a tous entendu une fois dans notre vie pour en faire une redécouverte permanente et éblouissante. Une « Suzie Q » de Dale Hawkins ou un « Jungle Rock » de Hank Mizell en espagnol cela vaut sans aucun doute le détour !
Hindi Zahra : Voyage musical avec une belle étrangère
Son nom ne vous est certainement pas inconnu. Révélation de l’année, Hindi Zahra traîne avec elle les contrées éparses et lointaines de l’Orient. Il suffit juste de prononcer son nom pour voir éclore la promesse merveilleuse d’un ailleurs coloré aux goûts épicés. Demoiselle ayant du piment, Hindi Zahra débarque sur scène telle une princesse des Mille et une nuits. Sourire intensément touchant, robe au rouge éclatant et poignets pleins de bracelets, Hindi Zahra en seulement quelques notes démontre son incroyable présence scénique et sa large palette artistique.
L'alchimie opère tout de suite avec celle qui semble sortie tout droit d'un film de Tony Gatlif
Jeune auteur-compositeur d’origine Berbère et Touareg, Hindi Zahra vogue entre la tradition familiale, qui trouve sa source dans la scène post-psychédélique du Maroc, et son oreille musicale curieuse qui se laissa aller à l’écoute de la musique traditionnelle berbère, du blues ou encore de ballades folk. Autodidacte confirmée, la trentenaire a farfouillé un peu partout pendant plusieurs années. Des musées à la musique, Hindi Zahra savoure la contemplation avant de passer une bonne fois pour toutes la frontière de ces mondes où la liberté de créer est reine. Sorti l’hiver dernier, son premier album joliment intitulé Handmade (traduisez « fait à la main ») est un petit bijou confectionné par une orfèvre passionnée.
Sur les ondes, Hindi Zahra envoûte ses auditeurs avec des titres comme « Beautiful Tango » ou « Stand Up ». Sur scène, Hindi Zahra emmène ses spectateurs dans un voyage passionnant pour une terre inconnue qui mérite sans aucun doute le déplacement. L’alchimie opère tout de suite avec celle qui semble sortie tout droit d’un film de Tony Gatlif. Un ailleurs pleins d’émotions et de désirs d’évasion, voilà ce qui s’éleva de la scène de Not Ze Francos ce soir-là, lorsque l’artiste enchaina les titres avec une facilité déconcertante. Du rire au larmes, du calme à la folie, Hindi Zahra, les cheveux en bataille et le regard habité, se donnait tout entière à son public pour une communion incroyable. Le style de communion que seule la musique est capable d’engendrer. Dans la foule, des youyous exprimant leur joie soudaine se soulevaient avec magie et se mêlaient au corps possédé de l’artiste. Un corps possédé tantôt par des accents manouches tantôt par les douces ondulations des rythmes de soul et de blues. Sous les yeux d’un public en transe : une artiste complète au timbre inoubliable offrait avec générosité l’immensité de son monde, un monde « où les corps se parlent, se chuchotent des mots secrets en espagnol, jusqu’au dernières lueurs du jour que la nuit éteint ». Beautiful Hindi Zahra !
Eloïse Trouvat
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