FESTIVAL LES ORIENTALES 2010
L’Indiscrète : et si l’autre Inde nous était contée
Entretien avec Anila Gill, organisatrice du cycle de courts métrages l’Indiscrète
Créatifs, riches, variés, les courts métrages du cycle L’Indiscrète ont démontré au public des Orientales que Bollywood est loin de résumer à lui seul le cinéma indien. A l’initiative d’Anila Gill, tutrice de français à l’ambassade française de New Delhi, ce festival de courts métrages de jeunes cinéastes indiens entend faire découvrir «  une Inde trop peu connue du public étranger mais aussi un cinéma trop peu connu du public indien  » Retour sur les origines du projet avec Anila Gill.
Un projet d’étudiante
« Y'a qu'en Inde que ça se passe comme ça, y'a qu'en Inde... »
Anila Gill, est actuellement doctorante en Etudes Indiennes à Paris-3. Le projet L’Indiscrète naît il y a trois ans à Pune, où l’étudiante réalise un cours d’été à l’ambassade de France. « Une bourse d’étude m’a permis de visionner un très grand nombre de films d’étudiants et de faire connaissance avec la jeune génération de réalisateurs indiens en herbe. L’idée m’est alors venue d’organiser un festival regroupant ces films rarement vus sur l’Inde, ni en Inde, ni a fortiori à l’étranger, et de les sous-titrer en français afin qu’ils puissent être vus par un plus large public. » Les deux années suivantes, Anila Gill, alors tutrice de français à l’ambassade de Mumbai puis à celle de New Delhi, profite d’un stage long du Ministère des Affaires Etrangères pour mener à bien son projet. Elle s’aide alors du réseau de tuteurs travaillant dans différentes villes indiennes pour contacter les écoles de cinéma du pays et les joindre au projet.
« En Inde, le cinéma d'auteur reste extrêmement marginalisé et confiné aux écoles et aux festivals »
Au final, huit écoles participent, des écoles différentes tant en terme d’ancienneté que de méthodes employées. « Les étudiants de Chennai et de Pune tournent encore en 35 et en 16mm, alors qu’à Mumbai, on enseigne des techniques ultramodernes et un cinéma commercial axés sur les méthodes de Bollywood. L’école de New Delhi est spécialisée dans le reportage et le journalisme et celle d’Ahmedabad a une branche d’animation » Cette pluralité de sources explique la richesse de la programmation, qui regroupait vingt-cinq courts métrages autour de trois thématiques : Villes et Vies, Portraits de famille, Contes d’hier et d’aujourd’hui. Du documentaire au film d’animation en passant par la fiction, tous les styles se cotoyaient. « Je n’avais aucun critère de sélection autre que la qualité, les thématiques se sont imposées par la suite », précise Anila Gill. On passe alors du reportage Pierre, feuille, ciseaux et du quotidien d’un jeune tagueur des murs de Delhi , à celui des frères siamois en pâte à modeler du rebondissant film d’animation Pdingpdoong. On traverse des instants de vie souvent inspirés du réel, du passé et du présent.
Une Inde tiraillée entre tradition et modernité
Et ce présent est souvent le lieu de conflits entre tradition et modernité, entre les aînés et la jeunesse, que les valeurs traditionnelles ne séduisent plus dans une Inde en pleine évolution. L’inquiétude de la jeunesse face à la course effrénée de l’Inde vers de développement est palpable dans beaucoup de courts métrages. « L’inquiétude est présente mais traitée avec plus ou moins d’optimisme ou de pessimisme. Le film Germ en noir et blanc emploie la métaphore du cancer chez un jeune homme pour décrire la construction à outrance qui défigure le paysage de Koklata et laisse peu d’espoir à l’avenir. Dans Plain Sita (Simplement Sita), la jeune Sita est abandonnée enceinte par son mari et reniée par sa famille car elle s’est détournée des valeurs traditionnelles, mais elle s’en sort finalement seule en trouvant un emploi. » Ailleurs, on dénonce également la solitude des personnes âgées, délaissées par des petits enfants devenus trop individualistes. La dureté du monde moderne, qui ne cesse de creuser les inégalités, semble être une préoccupation centrale chez beaucoup de ces jeunes réalisateurs et l’on est souvent loin des conte de fée bollywoodiens. « Tous les jeunes traducteurs qui ont travaillé sur les films les ont beaucoup aimés et s’y sont reconnus. Tous ont apprécié que ce type de films soient montrés en Europe et qu’on ne montre pas seulement le type de film Bollywood. » Pour ceux que le cinéma Bollywood séduisait, quelques touches bollywoodiennes subsistent ça et là en musique de fond : « Y’a qu’en Inde que ça se passe comme ça, y’a qu’en Inde... »
A la conquête du public francophone
L’Indiscrète représente un réel tremplin pour ces cinéastes en herbe, qui manquent de visibilité dans un pays où « le cinéma d’auteur reste extrêmement marginalisé et confiné aux écoles et aux festivals ». En plus d’une traduction en anglais qui permet déjà aux films d’être vus au-delà des frontières régionales dans toute l’Inde et dans les pays anglophones, un long travail de sous-titrage en français a été mené par les tuteurs de français de différentes universités indiennes et leurs étudiants. L’Indiscrète a alors pu entamer une tournée francophone : après la Peniche Cinema de Villette, Saint Florent-le-Vieil est la seconde escale du festival et la ville de Québec sera certainement la prochaine.
Elsa Briand
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