Paroles équitables entre le Sud et le Nord
Avec le jumelage de deux compagnies de théâtre
Le jumelage artistique entre les compagnies « Kozö zô  » et « Au Fol Ordinaire  » a pour but de mieux connaître les deux cultures du Nord et du Sud. Cela n’a pas été sans mal. En raison de l’insuffisance de subventions, le projet qui devait être monté en 2003 a été annulé. Kozö zô Théâtre ne recevant aucune aide financière de l’Etat centrafricain n’a pu venir à Nantes que cette année grâce aux aides de l’Alliance Française.
Deux compagnies de théâtre
Composée seulement de quatre comédiens, Kozö zô Théâtre est la seule compagnie professionnelle du Centrafrique. Mais que signifie Kozö zô, ce nom étrange et sympathique ? " Kozö zô veut dire : premier homme et les créations de la troupe tournent autour de l’homme. " me précise Rassidi Zacharia , le directeur de la compagnie. " Nous nous voulons un théâtre d’intervention sociale sans être engagé. Nous avons pour but de sensibiliser le public aux problèmes africains : les dictatures, le sida, la pauvreté, le rôle de la femme. Joué aussi bien dans le Sud que dans le Nord, notre théâtre a un rôle thérapeutique. Dans les villages africains, nous aidons les gens à réagir et prendre conscience des difficultés de leurs situations. Dans le Nord, nos créations servent de témoignages et à donner une autre vision de l’Afrique. " Kozö zô Théâtre se déplace beaucoup. Il va aussi bien dans les différents pays africains qu’au Canada, en Europe et ... à Nantes. A ces voyages s’ajoutent des partenariats avec des artistes et des techniciens. " Nous voulons faire un théâtre perçu par tous et non pas seulement un théâtre traditionnel du Sud "m’explique Rassidi Zacharia. Pour cela, la troupe Kozö zô reçoit depuis maintenant quinze ans des intermittents de Nantes pour la conception des décors, la régie lumière, l’utilisation des masques...
Créé il y a quatorze ans par Michel Liard, décédé en Mars 2004, la compagnie nantaise « Au Fol Ordinaire » est composée de six comédiens, techniciens. Le répertoire de la compagnie reprend avant tout des pièces d’auteurs contemporains. " La parole est un outil d’émancipation " précise Gilles Gelgon, comédien Au Fol Ordinaire. " La compagnie travaille sur la langue, la parole, le verbe. Elle veut faire connaître la richesse de l’écriture à une population la plus variée possible. "
Entre le Nord et le Sud, Paroles équitables
" Le but du spectacle est de donner à entendre des paroles que l’on n’a pas l’habitude d’entendre " explique Gilles Gelgon du Fol Ordinaire. Ce sont celles des gens que l’on croise, des immigrés africains et celles des expatriés français en Afrique Ce sont les témoignages d’expériences, de parties de vies recueillies par deux sociologues et mis en scène par Monique Hervouet du Fol Ordinaire. Les témoignages originaux, trop longs pour le spectacle ont été découpés, adaptés. Ils n’ont cependant rien perdu de leur sincérité, de leur fraîcheur et spontanéité. Grâce à son talent, chaque comédien a su captiver et émouvoir le public. En effet, Rassidi Zacharia le souligne en déclarant : " Ce travail avec la compagnie nantaise m’a permis de connaître l’intériorisation des rôles, la présence très forte des acteurs sur scène ". " C’était un pari particulier : jouer avec des gens qui n’ont pas les mêmes moyens, qui font des spectacles de formes différentes. Cependant, nous avons trouvé une sorte de complémentarité sur l’action théâtrale ".
Du côté africain, l’inquiétude était plus au niveau du public. Comment le public va t’il recevoir une compagnie africaine ? Il faut dire qu’en Afrique, le public est très réactif et il n’y a pas de silence dans la salle. Mais l’inquiétude du directeur de la troupe Kozö zô n’a pas duré longtemps. En effet, lors de la représentation au centre socio culturel de Bellevue, le public nantais n’est pas resté froid. Les interventions de chaque comédien ont été ponctuées de rires, sourires et réactions tellement les témoignages justes nous interpellent. Les thèmes abordés ne sont pourtant pas tous roses : désillusion des jeunes africains arrivés en France n’ayant pas de papiers leur permettant de travailler et de ce fait d’exister. Les différences de culture, de modes de vie, de valeurs nous renvoient nos propres défauts comme nous voyons les défauts des autres. Et là, nous comprenons ce que veut dire " paroles équitables ".
Chaque comédien exprime la pensée et les paroles d’un " binôme " qui a découvert le spectacle lors de la première représentation. Tous les binômes ont été satisfaits et ont pu donner leurs impressions aux acteurs qui les représentent. " Le mien était très satisfait. Il m’a dit qu’il ne savait pas que son témoignage pouvait être drôle " confie Rassidi avec le sourire. Pour être encore plus équitable, l’idée est venue aux comédiens d’inverser les rôles. Les acteurs centrafricains jouent le rôle d’européens et les comédiens nantais celui des africains de l’Ouest. La variété des témoignages et des situations donne l’impression qu’au bout de deux heures de spectacle, rien n’a été oublié : les odeurs, les couleurs, la vie en-dehors du temps, la chaleur humaine, la famille, la conditions féminine, l’éducation, la vie trépidante, l’organisation, les lois, le travail, les études... Tant de choses qui caractérisent nos deux univers si différents.
Chacun son chemin
Gilles Gelgon du théâtre Au Fol Ordinaire précise que les comédiens ont eu beaucoup de plaisir à jouer les deux spectacles du jumelage artistique : " Paroles équitables " et " Qui a mangé Madame d’Avoine Berghota ".Cette expérience leur a permis de mieux connaître le théâtre africain avec l’utilisation des masques et des rituels traditionnels. Avant de reprendre les auteurs contemporains, la compagnie Au Fol Ordinaire désire continuer les représentations de " Paroles équitables " qui fut un véritable succès puisque deux représentations ont du être rajoutées au programme dans le cadre du festival Afrique de l’Ouest, Regards sur...Paroles de...
Quant à nos amis africains de Kozö zô, leur plus cher souhait est de continuer le jumelage artistique. Mais tout dépend des subventions... " Avant de partir, il y aura des décisions de prises à ce sujet avec la Maison des Citoyens du Monde à Nantes " confie Rassidi Zacharia. Dans le proche avenir, l’unique troupe professionnelle du Centrafrique jouera " Qui a mangé Madame d’Avoine Berghota " à Brazzaville et à Pointe Noire dans le cadre du dixième anniversaire de la mort du célèbre auteur africain Sony Labou Tansi. Nous espérons que cette belle aventure de jumelage artistique, d’échanges se prolongera pour le plus grand bonheur de tous.
Christelle Remaud
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