Du XVIIIème siècle au XXIème
Nantes fait revivre le théâtre de la foire
On a trop longtemps associé le théâtre français du XVIIème siècle au théâtre classique, à une certaine rigidité incarnée par les figures poussiéreuses et scolaires de Molière ou encore de Corneille. Parce que l’on possède très peu de traces du théâtre de foire, un théâtre du XVIIIe peu connu car en marge du théâtre officiel, celui-ci peine à trouver sa place dans l’horizon théâtral français...
C’est parce qu’il est passé pour ainsi dire incognito dans l’histoire du théâtre français, que le théâtre de foire interpelle notre curiosité, et du coup est d’autant plus intéressant à faire revivre. Car il s’agissait d’un théâtre rebelle, non-officiel, jalousé par la comédie italienne et française de l’époque, interdit durant une période, et accablé d’interdictions théâtrales. Ainsi faire connaître l’enfant terrible du théâtre français au public d’aujourd’hui apparait donc indispensable pour lever le voile sur un théâtre trop longtemps ignoré par le genre.
Un théâtre original et singulier
Françoise Rubellin, professeur à l’Université de Nantes et responsable du Centre d’études des théâtres de la Foire à Nantes, nous en dit un peu plus sur ce théâtre hors normes, qui doit son originalité à sa créativité constante, fruit des diverses interdictions : « les forains ont fait preuve d’une inventivité exemplaire. Quand on leur a interdit le dialogue, par exemple, ils ont créé des pièces en monologue où l’on pouvait cependant avoir 12 acteurs sur la scène : ils mettaient des perroquets parlant, ou des statues parlantes, ou bien criaient depuis les coulisses. De sorte qu’ils respectaient en apparence l’interdiction ». Théâtre énergique, burlesque, aux nombreuses facettes, le théâtre de foire colle parfaitement à l’esprit du XXIème siècle, et offre un éventail de possibilités théâtrales infini.
On peut dire qu'ils ont inventé le karaoké dans les années 1710
Un théâtre musical
On l’aura compris, le théâtre de foire gagne à se faire connaître. Mais ce qui le distingue très clairement du théâtre tel qu’on le conçoit, c’est la place qu’il accorde à la musique. Théâtre mêlant parlé et chanté, instruments et airs d’opéras, le théâtre de foire fait participer le public. Françoise Rubellin nous explique ainsi que les forains ont inventé les pièces par écriteaux « présentant au public des pancartes que celui-ci devait chanter sur des airs connus, tandis que les acteurs mimaient l’action sur scène. L’on peut dire qu’ils ont inventé le karaoké dans les années 1710. »
Le théâtre de foire aujourd’hui
Loïc Chahine, 22ans, étudiant en Master 2 de lettres modernes à Nantes, fait ainsi revivre ce théâtre si particulier dans son originalité, à travers sa compagnie de théâtre amateur, « Le carnaval du Parnasse » avec laquelle il a monté deux parodies, une parodie de Pyrame et Thisbé et une parodie d’Isis (opéra de Quinault et Lully). Pour lui, l’intérêt de faire revivre le théâtre de foire ne se limite pas à sa dimension musicale, c’est aussi offrir un nouveau regard sur l’opéra : « Lorsque l’on lit une de ses parodies, et qu’on voit l’opéra en question par la suite, on entend encore les répliques de la parodie. Cela complète la vision qu’on peut avoir d’un XVIIIème très guindé, car en réalité ce siècle a aussi un côté plus franc et plus osé. »
Retrouvez Loïc Chahine et sa nouvelle pièce parodique, « la Rupture du carnaval et de la folie » en avril 2010 au FUN Festival du Théâtre universitaire de Nantes.
Laëtitia Pinon
Photos : Patrice Molle
lors d’un spectacle de la Compagnie Bel Viaggio
En savoir plus
FUN Festival du 30 mars au 8 avril 2010 au TU de Nantes.
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