
Festival Cable#3
Avec Cable#, l’expérimentation s’exprime à Nantes
Du 18 au 20 février 2010 au 3, rue de Bitche. Nantes
Troisième édition du festival nantais. Concerts, projections de films ou performances, tous les moyens sont bons pour repousser les limites de l’art. Rencontre avec Will Guthrie et Erell Latimier, membres de l’association Cable# et instigateurs de l’événement.
Avec plus d’une vingtaine d’artistes au programme, dont certains portent les noms barbares de Deflag Haemorrhage ou Xnoibis, et des styles de musique allant du Power Freejazz au Mental Métal, le festival de musique expérimentale Cable#3 nous plonge dans l’inconnu. La troisième édition de cet événement nantais réunit pourtant la crème des musiciens-plasticiens actuels autour d’un projet commun : repousser les limites de l’art. D’ailleurs, si Cable# est souvent rattachée à la musique expérimentale, cette étiquette n’est pas du goût de Will Guthrie et d’Erell Latimier, deux des organisateurs du festival. « C’est juste un nom mis sur une musique pas facile à expliquer. On défend pas vraiment le terme de musique expérimentale, il nous emmerde quelque part. Il enferme. »
Histoire de créer le futur
Plus qu’une musique spécifique, c’est pour eux d’avantage une démarche artistique, celle de dépasser le connu, de générer la surprise, peu importe le style ou les instruments. Seront ainsi présents des groupes de Hip Hop et de Pop bizarres dans la programmation 2010. C’est aussi pour cela que beaucoup d’artistes présents pour cette édition viennent d’horizons très différents, et notamment des arts plastiques : « Le pont est assez logique. En arts plastiques il y a de l’expérimentation, du bidouillage,... Et en musique, quand tu arrêtes de travailler les questions de rythme, de mélodie et d’harmonie, il reste la texture, le timbre, la modulation, on retrouve aussi ça dans la vidéo, la peinture. Il s’agit d’une démarche, il n’y a donc plus de frontière entre les arts. »
Keith Rowe, une des têtes d’affiche du festival, se produit jeudi aux Musée des Beaux Arts. Inspiré par Jackson Pollock, qui rompait avec les méthodes traditionnelles, sa guitare est posée sur une table, et il joue ainsi à la façon du célèbre peintre américain, qui peignait au sol. Aujourd’hui, il est, à 70 ans, un des vétérans d’une scène musicale mondiale restée quelque peu confidentielle depuis les début de la musique concrète et les expérimentations de John Cage. Certains noms ont traversé l’histoire et sont à Nantes pour Cable#3. Keith Rowe donc, mais aussi Consumer Electronics ou Ghédalia Tazartès. Ce dernier, proche de la musique concrète, a commencé à la fin des années 70 avec des collages de bandes magnétiques sonores. Pourquoi l’avoir programmé cette année ? « Parce que c’est magnifique ! C’est quelqu’un qui fait, à partir de matières souvent vieilles, rugueuses, quelque chose d’extrêmement beau. »
Il n'y a pas beaucoup de lieux à Nantes où on peut faire ce que l'on veut sans avoir de comptes à rendre
Indépendance collective
La programmation s’est faite instinctivement pour les différents membres de Cable#, chacun apportant des choses différentes suivant ses affinités. Et s’il y eut une part de recherche, la sélection s’est aussi faite grâce aux recommandations d’amis et aux affinités personnelles avec les groupes, la sphère expérimentale n’étant pas extrêmement étendue. Un principe unique a toutefois été tenu pour les artistes, essayer de rétribuer tout le monde de façon égalitaire : « C’est parfois un peu difficile, il y a des petites différences, mais ceux qui sont payés plus sont ceux qui ne feront qu’un concert, et ceux qui le sont un peu moins, nous leur organisons d’autres concerts en France. C’est une contrepartie qui n’est pas financière, mais on tient un truc égalitaire. Et puis on assure grave pour la bouffe ! »
C’est aussi ça l’ambiance au 3, rue de Bitche où aura lieu le festival, et où l’on trouve les locaux de Cable# au premier étage. Les 5 membres de l’équipe partagent le bâtiment avec 4 autres associations et tous s’entraident collectivement pour l’organisation d’événements. « Nous sommes là comme membres de l’association, mais nous utilisons l’espace d’avantage comme des individus. Il n’y a pas beaucoup de lieux à Nantes où l’ on ne paie rien et où l’ on peut faire ce que l’on veut sans avoir de comptes à rendre, tout en essayant de donner le maximum. Ce n’est pas toujours le cas pour les lieux subventionnés. »
Cable# fut fondée en 2004 par deux anciens membres d’un autre collectif, Apo33, une des ambitions initiales était de s’extraire des contraintes des subventions. Un événement comme le festival est donc un risque financier pour cette petite structure : « Sans subventions, on est obligé de faire pour que tout soit au mieux, pour les musiciens, pour le public, et pour nous. Il faut donner envie d’y aller et d’y revenir. C’est un réel investissement. »
Ouverture à l’expérience
Les deux premières éditions ont satisfait les espérances de tous, et ils comptent cette année sur l’éclectisme de la programmation pour accueillir de nouveaux publics. Une ouverture d’ailleurs constatée dans plusieurs festivals en France : « Il y avait un problème de cloisonnement entre initiés, le public était les musiciens qui allaient jouer après. Mais ça évolue plutôt bien, il y a de plus en plus d’éclectisme dans les programmations. C’est une bonne opportunité de faire jouer des groupes de Hip Hop, de Rock avec des choses peut-être plus difficiles. Et au final, pour le public, ce n’est pas si difficile que ça, ils ont même l’air plutôt intéressé ! »
Jean-Paul Deniaud
Photos : Rémi Goulet
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