UNIVERCINE CINEMA BRITANNIQUE 2009
Not in our Name, quand les artistes dénoncent la guerre
Rencontre avec Phil Maxwell, producteur, et Hazuan Hashim, réalisateur de Not in Our Name
Not in our name est un documentaire de Phil Maxwell et de Hazuan Hashim. Les deux vidéastes collaborent depuis six ans sur ce film qui choisit de dénoncer les guerres actuelles sans jamais les montrer. La caméra voyage dans les zones de conflits mondiales et interroge les artistes pour avoir leur point de vue. Une forme intéressante qui traite des différents moyens de contestation face aux instances dirigeantes. Résolument pacifiste et pertinent.
De retour d’Istanbul, où tous deux viennent de présenter leur film, leur intérêt se porte à présent vers le public français et c’est à Nantes que Phil Maxwell, photographe globetrotteur, et Hazuan Hashim, vidéaste londonien, vont recueillir les réactions du public face à leur film. La tâche n’est pas facile, car beaucoup d’a priori persistent quant à la conception des documentaires sur la guerre. On est habitué à voir des images violentes qui nous montrent les populations locales dans la souffrance et la douleur.
Ici, place au "modernisme". Les deux indépendants ont fait le choix de dénoncer la guerre sans la montrer. De plus, les témoignages sont ceux d’artistes et non d’analystes géopolitiques. Danseurs, Peintres, Sculpteurs et Musiciens témoignent de la violence de la guerre et des limites de la coopération mondiale pour aboutir à la paix. Certains n’hésitent pas à se livrer, ce qui donne aux dialogues une dimension émotive. A chaque voyage, une anecdote qui permet d’élargir le débat et d’éviter les tentations manichéennes.
Les problématiques abordées sont d’une rare originalité et résolument tournées vers l’avenir : Quelle utilité y a-t-il à manifester quand on sait que les politiques reviennent rarement sur leur décision ? La mondialisation n’a t-elle pas favorisé le communautarisme plutôt que la diversité raciale ? Les guerres, au-delà d’enjeux strictement économiques, ne sont-elles pas le reflet des craintes occidentales, quant à l’arrivée massive et l’intégration d’immigrants ?
La majorité des gens sont contre la guerre et pourtant nos dirigeants envoient des gens se battre.
Fragil : Vous avez fait le choix de ne pas montrer la violence des guerres. On voit peu d’images d’Irak. Qu’est ce qui justifie ces choix ?
Tout d’abord, il faut qu’on explique qu’on n’avait pas les moyens, ni les contacts pour filmer et se déplacer en Irak. Notre statut d’indépendants nous oblige à revoir le financement du film. De plus, on a préféré montrer ce que les gens ne voient pas forcément dans les journaux. Montrer les gens qui vivent, qui mangent, qui jouent en famille. En montrant les armes, on risque de créer beaucoup d’amalgames par rapport à la situation réelle.
F : Les artistes londoniens et internationaux sont mis en avant tout au long du documentaire. Pensez-vous qu’ils sont les mieux placés pour dénoncer la guerre ?
La guerre n’est voulue par personne. La majorité des gens sont contre la guerre et pourtant nos dirigeants envoient des gens se battre. Les artistes ont ce recul pour parler au nom du peuple. Ils peuvent exploiter la maîtrise de leur art au service de messages percutants. Les images, la danse ou la musique sont parfois plus efficaces qu’un discours entendu par quelques militants. Avec le collectif Rainbow, on comprend bien que les artistes ne sont pas crédules. Ils savent que manifester n’a aucun effet réel. Il s’agit de laisser une trace. Dans 20 ans, les gens pourront dire qu’à cette époque, les populations étaient majoritairement contre la guerre. C’est ça qui est important.
Dans 20 ans, les gens pourront dire qu’à cette époque, les populations étaient majoritairement contre la guerre. C’est ça qui est important.
F : Avez-vous rencontré des difficultés pour réaliser et diffuser ce documentaire ?
Il n’y a pas eu de censure officielle. Aujourd’hui, le système est plus complexe car la censure est implicite. On sait plus ou moins jusqu’où on peut aller pour ne pas être freiné dans la recherche d’informations. Il faut "frôler" les limites. Par ailleurs, le fait d’être indépendants nous permet d’avoir beaucoup de liberté sur les objets filmés. Les témoignages d’activistes, d’artistes et d’analystes sont plus que des collaborateurs. Ils engagent leur personne, ce qui nous soutient dans notre démarche. Dès qu’on peut diffuser notre film, on fait l’effort de se déplacer pour recueillir les réactions. On remercie Nantes pour son soutien. De toute façon, le film ne va pas tarder à être en ligne gratuitement. C’est l’avantage d’aujourd’hui !
F : Quels artistes vous ont le plus marqués ?
C’est difficile car nous connaissons personnellement la plupart d’entre eux. Cependant, on aime reprendre l’histoire du danseur asiatique qui doit danser devant les douanes canadiennes pour prouver qu’il est danseur. Imaginer la beauté et l’absurdité du geste... Ce jeune homme est très touchant et cela se ressent aussi dans sa manière de danser dans tous les pays du monde. Son métier lui permet de voyager en dépit des préjugés religieux et géographiques qui l’accompagnent à chaque voyage.
F : Quels sont vos projets à venir ?
Concrètement, il y en a deux. Phil va travailler sur les réfugiés climatiques du Bengladesh. Et nous allons travailler ensemble sur le quartier d’East End à Londres.
Mathieu Sakkas
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