Univerciné Cinéma Allemand 2009
Hans im Glück : musicien, nostalgique et anticapitaliste
Rencontre avec Claudia Lehmann, réalisatrice, et Hans Narva, musicien berlinois
Film d’ouverture du festival du cinéma allemand 2009, "Hans im Glück" est un documentaire atypique, porté par son personnage principal, Hans Narva. A travers le film, le musicien berlinois se confie et nous livre son regard sur sa vie entre les deux Allemagne, sa ville et son passé, marqué par la chute du mur de Berlin.
Plus qu’un documentaire, Hans im Glück est le portrait sensible et intime d’un homme au parcours singulier. De l’aveu de la réalisatrice Claudia Lehman, le film est le fruit de sa rencontre avec Hans Narva. Elle s’est sentie des affinités particulières avec lui, alors qu’ils viennent d’horizons très différents : lui est un musicien de la scène alternative berlinoise qui a grandi à Berlin-Est, elle vient de Hambourg, a commencé par faire des études de physique, et n’a pas connu l’Allemagne de l’est. Mais au-delà de la « fascination pour un continent étranger, l’Est » ressentie à son contact, c’est l’être humain qui l’a intéressée. Ponctué d’anecdotes tragi-comiques livrées par le musicien, le film entremêle scènes de la vie quotidienne et images d’archives de la scène musicale berlinoise.
Éternel rebelle
Dès les premières images, on comprend que le personnage est peu conventionnel. D’un air navré, Hans Narva nous raconte comment la tentative de braquage d’un transporteur de fonds dûment préparée avec des amis s’est soldée par le vol d’un malheureux vendeur de fleurs qui passait par là. Cela se passait juste après la chute du mur, alors que l’écart économique qui séparait les Allemands de l’Est de ceux de l’Ouest paraissait vertigineux.
Plus qu’un documentaire,"Hans im Glück" est le portrait sensible et intime d’un homme au parcours singulier.
Des démêlés avec la justice, Hans Narva semble en avoir toujours eu, que ce soit lors de sa jeunesse turbulente à Berlin sous le régime socialiste, ou depuis la réunification. Mais les raisons diffèrent. Accusé de préparer une fuite hors de la RDA et d’incitation à l’émeute, le jeune Hans s’est retrouvé derrière les barreaux dès l’âge de 15 ans. D’autres séjours en prison suivront jusqu’à ce qu’il décide de fuir son pays en passant par la République tchèque, afin d’échapper à un service militaire redouté.
Pourtant, la réunification et l’avènement d’une nouvelle forme de liberté ne signifient pas la fin de ses problèmes. Certaines règles ont changé, auxquelles il faut aussi s’adapter. Même si les enjeux ne sont plus les mêmes : d’incompatibilité avec le régime Hans passe aux infractions aux règles de la circulation. « Cela a continué, reconnaît-il, c’était un mélange de bêtise et de malchance. Je n’avais pas compris certains mécanismes et ils ne m’avaient pas non plus été expliqués ». Au moment du tournage du film, Hans risque même une peine d’emprisonnement pour conduite sans permis. Avec l’aide d’un psychologue, il essaie de comprendre d’où viennent ses difficultés avec le principe d’autorité…
Nostalgie
Témoin silencieux des scènes de la vie quotidienne, la caméra se fait aussi la confidente du musicien qui nous entraîne sur les traces de son passé, à travers les nombreuses mutations de Berlin depuis la chute du mur. Face à ces changements, Hans Narva apparaît nostalgique du passé. Mais de quel passé s’agit-il ? Après avoir fui la RDA, la chute du mur lui a finalement permis de revenir à Berlin. Et de profiter des quelques années qui ont suivi, quand « l’autonomie, l’anarchie » étaient les mots d’ordre à Berlin et que tout semblait possible : « squatter des immeubles, ouvrir des bars, des clubs ». Mais aussi partir en tournée avec son groupe Herbst in Peking à Paris, Copenhague, Londres. Aujourd’hui, malgré sa réputation de capitale européenne ouverte et branchée, Berlin lui semble une ville ennuyeuse, à cause de la bureaucratie qui édicte ses règles et ses interdictions.
Malgré sa réputation de capitale européenne ouverte et branchée, Berlin lui semble aujourd'hui une ville ennuyeuse
Déambuler dans Berlin peut aussi réveiller un passé douloureux. Pour le film, Hans retourne sur le site de la prison de Rummeslburg, établissement dans lequel il a été enfermé quand il était adolescent. Connue pour ses conditions de détention dégradantes, cette prison va être réhabilitée et transformée en appartements de haut standing pour jeunes couples aisés. Cette façon de tourner la page sans état d’âme lui semble « terrible et révoltant », « on aurait pu en faire un parc, un lieu de souvenir ».
Anticapitalisme
Après la chute du mur, le secteur musical à Berlin s’est également transformé. Produire un album devient possible et les groupes peuvent envisager de vivre de leur musique. Hans et son groupe produisent ainsi leur premier album, diffusé à plusieurs centaines d’exemplaires en magasin. Mais c’est la déception : cet album devient comparable à « du beurre, de la lessive en supermarché ». Un produit à consommer comme un autre, sans commune mesure avec le travail qu’il a représenté. Hans Narva ne refuse d’ailleurs pas l’étiquette de "musicien anticapitaliste". Idéaliste, il rejette aussi l’uniformisation impliquée par la mondialisation : « Je trouve indécent que dans chaque ville, que ce soit Moscou, Londres ou Paris, on trouve les mêmes marques et les mêmes grands groupes ». Il conclut : « Ce n’est pas parce que je viens de l’est que je dois trouver que l’ouest a toutes les qualités ».
Film drôle et mélancolique, Hans im Glück tient de la biographie et du travail d’analyse. Par petites touches, la réalisatrice parvient à esquisser le portrait d’un homme complexe, avec ses contradictions et ses révoltes, une véritable figure berlinoise.
Emilie Le Moal
Plus d’infos
Katorza, cinéma Art et Essai de Nantes
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Rencontre :
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Interview à quatre mains :
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Entretien au pied du mur :
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