
Rencontre avec Tryo
Quatre garçons pour un Tryo
Jeudi 30 avril, 18h. Je pars rencontrer le groupe qui a marqué mon adolescence : Tryo. Parcourant les couloirs du Zénith dans la précipitation générale pré-concert, deux hommes me reçoivent avec gentillesse et attention malgré les nombreuses interviews programmées ce soir là . Cyril Célestin et Emmanuel Eveno, plus communément appelés Guizmo et Manu, deux des quatre membres actuel du groupe Tryo, entament la conversation de manière décontractée. Présentation de ce groupe qui a su allier chanson française et consonances reggae, scène et engagement, succès et – pendant longtemps – rares apparitions dans les médias.
Y a plein de nouveaux trucs, des vidéos, des versions différentes…
Même si on était absents des scènes, on était très présents dans la tête des gens.
Je ne nous vois pas incriminer les gens et leur dire : ‘Vous êtes des voleurs !’
Fragil : Vous revenez d’une tournée au canada, nouveau succès ou public converti ?
Guizmo : on a fait 3 semaines au canada, et à peut près 10 dates.
Manu : Ça fait 10 ans qu’on y va. La première fois c’était en 99. Là ça fait 11 ou 12 fois qu’on y passe, plusieurs tournées, bien sûr Montréal et les grosses villes mais aussi la province, les petites villes.
Un public préféré ?
Guizmo : Oh, ils nous posent la même question là bas !
Manu : C’est difficile de répondre à cette question, mais à mon avis ce n’est surtout pas la bonne manière de la poser. On ne peut pas mettre tous les publics dans le même panier en France, et pareil au Québec. Par exemple, mon public préféré c’est Lille. Ils sont monstrueux : ils ont une facilité a chanter ensemble et ils ont surtout conscience que ce genre d’événement, et la musique en général, est une manière de célébrer la vie. “Hey je suis heureux d’ être en vie”, et je le crie bien fort. Les publics sont tous différents selon les villes et, au Québec, c’est exactement pareil : le public de Montréal n’est pas le même que celui de Trois Rivières…
Et toi Guizmo, ta ville préférée ?
Guizmo : Moi, je pense que c’est plus des moments, des périodes. C’est assez aléatoire en fait. L’hiver ou l’été, en pleine air ou en salle, le public et l’ambiance… Mais ça dépend de nous aussi. Le groupe n’est pas toujours en symbiose sur scène, y a des fois la fatigue qui joue. Ceci dit, le public prend une énorme place dans tout ça. Moi, j’aime me faire flipper avant de monter sur scène et ne pas savoir à quel public m’attendre.
Vous avez encore le trac en montant sur les planches ?
Guizmo : Bien sûr, je pense qu’il n’y a que peu de gens dans ce métier qui n’ont pas peur avant de monter sur scène. Ça fait plaisir d’avoir peur !
Manu : Ça me rappelle un truc : je crois que c’est Jouvet qui disait à une jeune comédienne qui montait sur scène et qui prétendait ne pas avoir le trac : “Ne t’inquiète pas petite, tu auras le trac quand tu auras du talent !” (rires)
Vous réussissez toujours à vous faire plaisir sur scène ?
Manu : Bien sûr, c’est le but. Si tu fais toujours la même chose, mieux vaut mettre un CD et ne pas monter sur scène ! (rires)
Guizmo : En plus, y a plein de nouveau truc, des vidéos, des versions différentes, etc. Nouveau spectacle, nouvel album !
D’ailleurs, la pause que vous avez faite était nécessaire pour toutes ces nouvelles créations ?
Guizmo : Ça faisait longtemps qu’on en parlait, on enchaînait quand même pas mal les albums et les tournées… On avait envie d’aller plus loin et d’essayer plus ou moins autre chose. On a fait plein de spectacles, plein de tournées… On avait aussi envie de faire des choses chacun de notre coté, de respirer… Parce que c’est passionnant, mais ça te bouffe une partie de ton système nerveux ! En plus, certains ont des familles, des enfants ou des envie artistique différentes. Et puis on est des gens vraiment différents, et on avait besoin de ça pour se ressourcer !
Manu : En même temps c’est pas comme si on avait été absents des scènes pendant des années. On avait un DVD qui sortait, après on a interrompu notre pause pour faire la tournée des dix ans, puis un autre DVD est sorti… On était quand même très présents.
Guizmo : En plus y a eu le phénomène radio qui s’est d’un coup emparé de Tryo. En 2005, nos morceaux passaient en continu ce qui a fait que, même si on était absent des scènes, on était très présents dans la tête des gens, et tout ça fait qu’on nous a pas oublié !
Justement être omniprésent sur les ondes après des années de promotion par le bouche à oreille, vous en pensez quoi ?
Guizmo : Je pense que si ça nous était arrivé y a dix ans ça nous aurait fait flipper, parce que quand ils ont commencé a diffuser, ils ont vraiment diffusé en force : 8, 9 et même 10 rotations par jour sur certaines radios ! On avait vraiment pas l’habitude, en même temps ça nous a fait marrer parce qu’il ont choisi les plus vieux morceaux : L’Hymne de nos campagnes dix ans après… Y avait un décalage vraiment complètement dingue ! Heureusement, on avait déjà installé une histoire avec notre public, on était reconnus comme groupe de scène, et c’est ça qu’on revendique de toute façon : faire un disque comme prétexte pour jouer en live. Ça a permis à plein de gens qui ne connaissaient pas Tryo de venir aux concerts. En bref, ça a été que du plus, mais bon… une franche rigolade quand même !
Manu : Surtout, ce succès, c’est pas un truc qu’on a cherché. C’est une conséquence, à force de parcourir les routes de France, de jouer un peu partout… Finalement, certaines radios ont considéré que c’était incontournable.
Au tout début de la formation du groupe, vous imaginiez un succès pareil ?
Manu : Ce n’est pas quelque chose qu’on avait envisagé. On voulait vivre de notre musique ou du théâtre pour Christophe, on voulait faire quelque chose d’artistique. On était déjà tous impliqués dans des formations, à l’époque, c’est un pote qui nous a demandé de jouer et on s’est dit : “Tiens, cette formule à trois, c’est pas mal ! On peut aller jouer dans la rue, dans les bars…” On est partis jouer un peu comme ça… et ça nous a pété à la gueule !
Autre question cette fois-ci en rapport avec l’actualité : la loi Hadopi, vous en pensez quoi ?
Guizmo : En ce qui concerne le téléchargement, nous, on est auto-producteurs depuis des années. On est contre dire au gens : “Allez-y, la musique est gratuite.” Le disque permet aux musiciens de vivre. Ceci dit, aller taper sur l’internaute, je ne sais pas si c’est la bonne solution. Nous, on serait plutôt pour une licence globale, pour aller taxer un peu les serveurs et toutes le grosses boites de téléphonie mobile et compagnie, qui se sucrent allègrement sur la musique, et aussi tout ceux qui se sucrent sur le téléchargement gratuit. Cette loi a au moins le mérite de soulever le débat sur un vrai problème. Ceci dit, y a quelque chose de malsain à fouiller dans l’ordinateur des gens… Ça, c’est une atteinte a la liberté et je pense que c’est pas la bonne voix.
Manu : On a aussi la chance d’avoir un public qui nous suit, qui nous défend et qui achète nos disques, et ça marche très bien pour nous. On serait hyper ingrats de dire que le téléchargement nous nuit économiquement, même si, d’une certaine façon, c’est vrai. Mais je ne nous vois pas incriminer les gens et leur dire : “Vous êtes des voleurs !”
Guizmo : De toute façon il est évident que plus les gens vont télécharger, plus t’auras du monde dans ta salle de spectacle. Y a une économie du spectacle, y a une économie du disque, et il faut trouver un juste équilibre. Les Ogres de Barbak, qui sont contre la loi Hadopi, disent très bien qu’il faut éduquer les gens : leur expliquer le coût des choses dans la musique et cesser d’incriminer.
Le mot de la fin ?
Manu : On n’a pas de planète de rechange ! J’aime beaucoup un truc amérindien, qui disait : “Quand le dernier arbre aura été abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson séché, là, vous vous apercevrez que l’argent ne se mange pas !”
Propos recueillis par Chloé Mackie
Photos : Patrice Molle
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