Univerciné Italie 2009 - Nantes
L’immigration italienne de concert
Agostino Ferrente, réalisateur du « documusical  » L’Orchestra di Piazza Vittorio, évoque l’Italie et ses immigrés.
Filmer les immigrés d’Italie sans consensus : voilà le parti qu’a choisi Agostino Ferrente dans son documentaire L’Orchestra di Piazza Vittorio, récompensé par la mention spéciale du jury. On assiste petit à petit à la formation d’un orchestre multiethnique, composé des habitants du quartier cosmopolite de la Piazza Vittorio. A travers la musique et la diversité culturelle, cet orchestre est une métaphore du monde et un exemple édifiant d’une intégration réussie.
Le spectateur suit pendant près de cinq ans le compositeur Mario Tronco et son complice Agostino Ferrente dans leur défi : créer un orchestre cosmopolite composé des habitants du quartier métissé de la Piazza Vittorio pour sauver la salle Apollo, dernier vestige de l’activité culturelle du quartier. Le défi est de taille et les obstacles nombreux jusqu’à l’objectif final du premier concert.
« Chaque italien est un immigré »
L’Italie est une société multiculturelle par essence nous rappelle Agostino Ferrente quand on l’interroge sur la diversité de la société italienne : « Chaque italien est un immigré ! L’Italie est jeune et ses habitants sont le résultat d’un mélange provoqué par l’unification du pays au dix-neuvième siècle. Auparavant c’était un ensemble de différents états . » La langue elle-même séparait les habitants des divers territoires. Plus tard, les italiens étaient une main d’œuvre privilégiée pour l’Amérique du Nord où des générations d’italiens ont émigré. L’histoire de l’Italie est profondément liée à des générations d’expatriés et le documentaire d’Agostino Ferrente en est une chronique moderne.
Un regard universel
L’actualité italienne pose alors plus que jamais la question de l’accueil réservé à ces étrangers, alors que le gouvernement actuel se montre de moins en moins tolérant. Pour Agostino Ferrente, le sort réservé aux immigrés en Italie n’est pourtant pas spécifique à ce pays : « Le regard de tout pays sur l’étranger est universel. Pour ma part, je considère que s’il y a des immigrés c’est qu’ils sont utiles. Mais la réaction des gens dépend de leur niveau culturel voire de leur richesse économique : l’étranger est alors une menace pour les plus humbles et une ressource pour les nantis. »
Au-delà de l’immigration elle-même, mon documentaire parle de la phase d’intégration dont on ne parle jamais
« Allumer la lumière »
Concernant cette méfiance envers l’étranger, Agostino Ferrente distingue pourtant racisme et xénophobie. « Le second terme est plus pertinent d’un point de vue étymologique : la phobie, la peur est un sentiment humain. On a peur de ce que l’on ne connaît pas. La solution serait d’allumer la lumière. Or, pour des raisons économiques ou politiques, certains soufflent sur le feu en accusant les immigrés de tous les maux. » C’est là le rôle de ce documentaire : permettre au public de mieux connaître les immigrés et leur sort à travers cette recherche de musiciens étrangers : « Le film permet assurément de mieux connaître ces gens, pourtant au-delà de l’immigration elle-même, mon documentaire parle de la phase d’intégration, dont on ne parle jamais. » C’est tout le processus qui entoure la formation de l’orchestre et les difficultés rencontrées par Marco Tronco et Agostino Ferrente dans leur entreprise.
L’immigration sans consensus
« Cela dit, je suis conscient de montrer une situation privilégiée : dans ce documusical nous cherchons des immigrés particuliers avec un talent particulier : cet immigré -à attire la sympathie. De même, dans les équipes de football, beaucoup de joueurs de couleur sont respectés parce qu’ils ont un talent bien précis. Il est malheureusement plus difficile de montrer le potentiel de chaque migrant quand il a un métier plus humble. » La musique devient l’outil le plus efficace de cette intégration.
Rire avec « l’autre »
« Je traite ce sujet avec ironie, comme tous mes sujets. » Le documentaire se veut effectivement comique et à de nombreuses reprises : « Le rire est un moyen de défense, un moyen de survie. » Agostino Ferrente filme de façon ironique, notamment des petits conflits entre musiciens ou par exemple entre l’oudiste de l’orchestre et sa compagne. « Je n’ai aucun regard de complaisance, ni de supériorité, mais une complicité qui va permettre une identification du public. Cet orchestre, son fonctionnement et les différents musiciens qui le composent, c’est finalement la métaphore de l’existence » et Agostino Ferrente de conclure : « J’ai une passion pour l’humanité et ses faiblesses. J’aime pêcher ses travers. » En filmant un groupe dans toute sa complexité, Agostino Ferrente rappelle qu’il faut de tout pour faire un monde et cet orchestre « mondial » et métissé est un monde plein de promesses.
Alexis Annaix et Aurélien Lahuec
Traduction de l’interview : Gloria Paganini
Le film est sorti en France en Décembre 2008.
La bande annonce de Orchestra di Piazza Vittorio :
Le groupe :
Programmation et site web de Univerciné Italie
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Ces articles ont été réalisés par une équipe d’étudiants de la filière Infocom de l’Université de Nantes. Equipe : Alexis Annaix, Antoine Bernier, Erwin Eninger, Aurélien Lahuec, Marco Streit.
Coordination éditoriale et pédagogique : Renaud Certin.
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