Univerciné Russe 2009 - Nantes
Le cinéma russe : tous publics !
Rencontre avec Sergueï Mokritski, sélectionné cette année par le festival Univerciné
Malgré un passé prestigieux, le cinéma russe demeure peu connu. Pays géographiquement situé entre Occident et Orient, la Russie est un lieu intermédiaire d’échanges culturels entre ces deux espaces. L’enjeu pour le cinéma russe est alors de plus en plus de s’adresser à la fois à son propre public autant qu’au public occidental, tout en proposant un point de vue sur la Russie moderne. (A lire aussi : "La Russie à travers ses courts-métrages")
Cinéma et URSS : un rapprochement forcé avec le public occidental
C’est sous l’URSS que les artistes russes ont forgé leurs premiers liens avec l’étranger, rappelle Sergueï Mokritski : « Pour la Russie, le vingtième siècle fut une période difficile ce qui a influencé l’ensemble de la production cinématographique du pays. Comme vous le savez, les réalisateurs n’étaient pas libres et devaient s’exiler pour le devenir. Ce fut le cas par exemple de Tarkovski [1] régulièrement attaqué par les censeurs. » L’étranger paraissait déjà comme un lieu de liberté de création pour les réalisateurs. Même si ce lien était « forcé », il a contribué à développer l’intérêt du public occidental pour le cinéma russe.
Les grands succès du cinéma russe auprès du public occidental
L’un des grands exemples de la faculté du cinéma russe à s’adresser à tous les publics est incarné notamment par Nikita Mikhalkov, nous explique Sergueï Mokritski : « il a su adapter son cinéma pour les deux publics : international et russe. En 1994, dans Soleil trompeur , alors que les autres réalisateurs se sont plutôt focalisés sur la terreur sous Staline, lui a l’a montrée à travers une après-midi dans une famille heureuse ». Mikhalkov se démarquait ainsi de ses compatriotes réalisateurs en montrant cette insouciance, ce qui explique certainement son succès international : il valu en effet à son réalisateur le Grand Prix du Jury à Cannes et un Oscar.
La nouvelle génération et son langage international(isé)
Pour toucher le public international, se reposer sur les épisodes bibliques est un poncif, mais Sergueï Mokritski se démarque en l’utilisant pour évoquer une actualité brûlante
La jeune génération du cinéma russe, plus proche culturellement de l’occident que ses aînées, se revendique de cette ambivalence, de ce double langage international selon Sergueï Mokritski. « C’est le cas de Valeria Gaï Guermanika » explique alors Sergueï Mokritski, elle qui a réalisé Ils mourront tous sauf moi, présenté à Univerciné cette année et également récompensé à Cannes. Valeria Gaï Guermanika décrit les obstacles que trois adolescentes moscovites auront à franchir avant d’assister à leur première soirée dansante, symbolique de leur entrée dans le monde adulte. Le film prend le parti du trash et d’une caméra nerveuse, de plus en plus adoptée par les cinéastes adeptes de l’hyper-réalisme hérité de Lars Von Trier notamment. Il fut d’ailleurs présenté au festival comme une œuvre ne s’adressant pas uniquement à la jeunesse russe mais à un public plus vaste.
Les quatre âges de l’amour : la Tchétchénie fait irruption dans l’Eden
Pour toucher le public international, se reposer sur les épisodes bibliques est un poncif, mais Sergueï Mokritski se démarque en l’utilisant pour évoquer une actualité brûlante. « Dans Les quatre âges de l’amour, j’ai effleuré les mythes pour évoquer le thème universel de l’amour » précise-t-il. Les amours édeniennes de deux jeunes russes sont troublées par l’irruption d’un jeune soldat tchétchène, brusque incursion de la réalité : « Le jeune soldat est tué par la jeune femme et sa mort devient l’élément déclencheur de la Chute, celle de l’amour » explique ainsi Sergueï Mokritski. « Dans la seconde nouvelle, en se basant sur l’épisode de Sarah et Abraham, qui accueillirent Dieu avec hospitalité, j’ai voulu soulever le problème des retraités russes : en Russie leur pension est de l’ordre de 100 à 200 euros par mois. Considérés comme inutiles, ils sont rejetés par la société. » Cette mise en scène des difficultés de la Russie moderne dans un langage universel, celui des mythes, révèle le désir de ce cinéma de s’adresser à tous, tout en conservant intacte son identité.
Alexis Annaix et Marco Streit
Interprète : Lisa Selivanova
Programmation et site web de Univerciné Russe
A lire aussi : "La Russie à travers ses courts-métrages"
Ces articles ont été réalisés conjointement par une équipe d’étudiants de la section Infocom de la faculté de Nantes. Equipe : Alexis Annaix, Antoine Bernier, Erwin Eninger, Aurélien Lahuec, Marco Streit.
Coordination éditoriale et pédagogique : Renaud Certin.
[1] Andreï Tarkoski (1932-1986), réalisateur, entre autres, du Sacrifice et de Stalker
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