Publié le 19 janvier 2005

Charlotte Houang


Importée des Etats-Unis et forte d’un immense succès, la Crad’expo arrive àParis. L’idée est de faire découvrir de façon ludique le fonctionnement du corps humain aux enfants de 3 à12 ans. L’exposition ausculte, avec rigueur scientifique, impertinence et sans tabous les fonctions "impolies" du corps humain. Elle se déroule du 30 novembre 2004 au 8 mai 2005 àla Cité des Sciences et de l’Industrie.

Une bouche géante en guise d’entrée, un antre au sourire dentifrice qui semble conduire droit à nos entrailles. Prévention buccale ou simple clin d’œil à Niki De Saint Phalle ? Difficile de savoir comment Sylvia Branzei, professeur en science naturelle, a imaginé le best-seller qui a inspiré la Crad’expo. L’accueil par "Sa cradeté" donne le ton. La dame, sorte d’automate géant au design douteux, affiche un air de Cruella au réveil. Monstrueuse de prosaïsme, elle détaille, néanmoins charmeuse, sa profession : experte en "Cradologie". Elle s’en justifie : « Que voulez-vous ? J’adore parler de tous ce qui est crado, les choses dégoûtantes, dégoulinantes, puantes, gluantes ! » Cette effroyable bonne femme affole les adultes et excite les enfants qui ont parfois même trouvé leur vocation. Premier arrêt au "flipper à pets", où parents et enfants s’exercent à viser les aliments les plus difficiles à digérer afin de devenir de supers petomanes.

34783 litres d’urine dans une vie

Un gros cochon, perché sur un tas de fumier, encourage les plus timides à relancer la boule. Les bruits de flatulences, rots et autres onomatopées peuvent d’abord affoler mais deviennent vite nécessaire à la compréhension. « On s’extasie sur le premier caca de bébé et sur son premier renvoi. Et puis, dès que l’enfant devient propre, on ne parle plus de ces choses-là. Un corps en bonne santé est pourtant un corps qui sue, qui sent, qui fait des bruits... C’est ce que cette exposition explique sur un mode ludique » développe Maud Gouy, chef de projet à la Cité des sciences. Et pour comprendre, il suffit de ramper dans un tube digestif, pénétrer dans "la grotte de nez" ou actionner "la pompe à vomi". Des installations originales, toujours illustrées de commentaires explicatifs. « En moyenne, un être humain produit 34783 litres d’urine dans sa vie, soit environ 350 baignoires. A 70 ans, on aura passé environ 6 mois sur les toilettes ! » Personne ne cache son étonnement face à ces statistiques inédites. Note historique censée décoincer : « Au XVIIème siècle, discuter avec Louis XIV en train de faire ses besoins était un grand privilège ». On apprend que 7 personnes sur 10 sont atteintes de rhinotillexomania ; la manie de se curer le nez. Certaines coutumes dressent les cheveux sur la tête : « Dans certaines cultures, des habitudes ancestrales veulent que la maman aspire par la bouche le mucus du nez de son bébé et la recrache par terre… » Dégoûtant ? Pas lorsqu’on sait qu’on avale pas moins d’un litre de morve par jour…

Odeur d’aisselles

Les enfants mènent la danse, et Jérémie, dix ans, passe devant "le jeu du pipi" sans s’arrêter : « T’inquiète papa, le pipi je connais ! » Juliette, six ans, a un faible pour "René la goutte au nez" : « Il est drôle avec son nez robinet et il fait des bruits dégueu ! » Les plus sportifs, eux, ont aimé escalader les plaies, les croûtes et les hématomes du "mur à bobos". L’exposition est certes ludique, mais se veut aussi pédagogique. L’illustration s’avère parfois choquante, comme en témoigne l’image d’une plaie purulente censée inciter les enfants à se désinfecter. Finalement, on se détend : « Chéri, tu as senti cette odeur d’aisselles ? N’est-ce pas dégoûtant ? » Nul doute que certains resteront longtemps constipés en repensant à la Crad’expo…

Charlotte Houang