Publié le 4 décembre 2004

Fabien Leduc


Après avoir douté l’an passé au sein de la dix-huitième édition, venait le temps de la violence. Une fois encore donc, pour la dix-neuvième année consécutive, les journalistes de tous bords confondus se sont réunis pendant dix jours (du 15 au 27 novembre) afin de débattre autour d’un thème associé au journalisme, la violence. Onze rencontres étaient programmées, sous forme de forums, de débats ou encore de conférences. Quarante expositions photos disséminées dans toute la région de Pornichet àBrissac-Quincé en passant par Nantes et bien sà»r, Angers nous étaient présentées.

« J’ai un rêve » écrit (au sein de la traditionnelle brochure de présentation) Alain Lebouc, directeur du festival. « …un monde en paix : voilà mon rêve ! » ce qui soulève un paradoxe intéressant ; en effet, comment imaginer l’intérêt de l’information géopolitique dans un monde où tout va bien. Claude CARRE (TF1) avait commencé mercredi 16 en soirée d’ouverture par dire clairement qu’un journal c’est la narration de ce qui va mal.

Nous entendons souvent des gens se plaindre de ne voir dans la presse que les événements dramatiques (hausse du chômage, délocalisation, conflits armés…) et comme seule exception les résultats sportifs, la victoire de son club de football favori. Robert MENARD (directeur de Reporter Sans Frontière) racontait à Nantes en pré ouverture le 15 novembre, qu’avait été tenté la création d’un journal où seuls les joyeux événements étaient relatés, il y a de cela quelques dizaines années. Après s’être vendu quelques mois à plusieurs milliers d’exemplaire, on ne le trouvait plus qu’à cinq cent exemplaires dont, souriait-il, le chauffeur du créateur du journal en achetait à lui seul sous ordre, une centaine dans le but de faire grimper les ventes.

La violence nous en avons besoin à plus ou moins forte dose selon les individus et il n’y a pas eu besoin des médias pour nous le démontrer mais cet exemple souligne qu’il nous reste un minimum de valeurs qui nous poussent à nous informer et à ne pas nous voiler la réalité aussi dure soit-elle.

Violence synonyme de réalité, nous sommes bien obligés de l’admettre. Alors la question qui allait se poser, problématique de la soirée d’ouverture, « Jusqu’où peut6on aller ? » quelles sont les limites ? Y a t’il des limites et pourquoi ? Les journalistes étaient unanimes et nous en conviendrons facilement, certaines images, certaines descriptions n’apportent aucune information supplémentaire à la simple annonce des faits. L’exemple repris par tous, les décapitations irakiennes, ne comporte qu’une vision d’horreur, nous n’avons pas besoin de l’image pour être sûrs que cela s’est réellement passé. D’ailleurs si le doute nous ronge, Internet en propose suffisamment. Paul MOREIRA (CANAL +) disait à ce sujet : « Nous avons tous été en voir une (décapitation) sur Internet par curiosité perverse. » Quand on en a vu une, on n’en regarde pas une seconde.

Un contôle s’impose donc Claude CARRE de TF1 est le directeur de l’information. Bien placé pour en parler, il explique que le débat au sein d’une chaîne sur la décision de passer ou pas une image violente est très fréquente. Chaque acteur du journal se prononce, le directeur de l’information et le présentateur tranchent. Ainsi l’image sera diffusée ou censurée, aura été coupée, floutée ou isolée de sa bande-son…

D’une chaîne à l’autre...

Les décisions sur une même image quant à la diffusion varie en fonction des chaînes qui sont seules décideuses. L’augmentation de la concurrence à l’information a amené plus de liberté et moins d’autocensure, les images violentes qui nous sont émises, sont plus dures qu’il y a 50 ans. Claude CARRE toujours, distingue trois filtres face à la violence : le premier concerne le journaliste sur le terrain qui, témoin, peut couper sa caméra, le second s’effectue au montage alors que le dernier correspond à la décision du rédacteur en chef. J’ajouterai à cela un quatrième filtre, notre propre volonté de dire stop et par là d’éteindre notre poste de télévision, de fermer notre journal ou de couper la radio… Ceci serait toutefois passer à côté de quelque chose puisque la violence peut être éducative mais à une condition : que l’image soit mise en contexte, expliquée, décrite et en ce sens on parle de journaliste instituteur.

« Les réponses apportées à ces interrogations sont multiples mais jamais totalement satisfaisantes… » écrit l’équipe du scoop dans sa brochure, il est sûr que le sujet porte à débat et que les réponses évoluerons encore avec le temps, dis-je sans pessimisme de violence future !


Palmarès 2004 (extrait ; plus d’information sur www.festivalscoop.com) :

  Grand prix Jean-Louis CALDERON

Vidéo : Massacre en Tchétchénie : la vidéo qui accuse de Mylène SAULOY / CANAL + | Photo : Les villages du sida au Henan de Lu GUANG / Agence GAMMA

  Prix spécial du jury

Vidéo : La maternité à Grozny de Manon LOIZEAU et Phillipe LAGNIER / CAPA PRESSE - ARTE | Photo : Irak, terreur encore et toujours de Akmad EL RUBAYE / AFP | Mention spéciale : Le scandale des marchands de sommeil de Eric COLOMER et Ludovic TOURTE / FRANCE 2

  Prix des écoles de journalisme

Via Soi de Aurélien Lévêque / ENS LOUIS LUMIERE

  Prix du jeune reporter photo

Blangladesh sous les eaux de GMB AKASH / WEBISTAN

  Prix de l’enquête (vidéo)

Les sousmarins de Vladivostok de Sophie BONTEMPS / FRANCE 3

  Prix de l’actualité (vidéo)

Dans la fournaise irakienne de G. DENIAU, S. VILLENEUVE, D. BUNUEL, I. CIRIEX et S. BOUSTANI / CAPA PRESS et CANAL +


Tout au long du festival, les pensées les plus sincères allèrent en direction de nos compatriotes Christian CHESNOT et Georges MALBRUNOT, toujours prisonniers en Irak. Pensée d’autant plus forte le samedi 27 novembre qui correspondait à leur centième jour de captivité…

L’année prochaine, le festival du scoop et du journalisme fêtera sa vingtième édition autour du thème « Journalisme et histoire ».

Fabien Leduc