Publié le 21 avril 2011

Giorgio Ocaña

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C’est l’histoire d’un verre àmoitié vide, mais aussi àmoitié rempli. C’est moi ce verre, arrivé en France il a six ans, et, quand je suis àmoitié vide, je ne suis plus péruvien et je ne serai jamais vraiment français. J’ai troqué une identité solide, bien définie, pour une drôle de posture.

Quand je suis à moitié vide et que je parle à un ami resté au Pérou, après les conventions de toujours, les sujets s’épuisent vite, la différence entre nous se fait flagrante, se creuse, et un silence embarrassant s’impose.

Quand je suis à moitié vide, je constate que je perds peu à peu ma langue maternelle, que je l’abandonne pour une autre.

Quand je suis à moitié vide, je me dis qu’une langue est surtout une façon de penser, une façon de concevoir ou de créer le monde et que donc mon monde à moi est devenu français, mais qu’il est cependant mêlé à mon passé et je finis par trouver que ça devient un vrai bazar dans ma tête.

Mais quand je suis à moitié rempli, je me trouve riche car j’ai deux cultures, je maîtrise deux langues et que donc je peux concevoir deux mondes différents et les visiter à ma guise.

Quand je suis à moitié rempli, je me vois chanceux de pouvoir comprendre deux peuples, deux mentalités et de pouvoir surtout en tirer le meilleur de deux pour me constituer.

Puis, après avoir été à moitié vide et à moitié rempli, je me rends compte que je suis un verre rempli de deux moitiés.

Giorgio Ocaña