Publié le 2 février 2011

Caroline Salou

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Improvisation, provocation, déstructuration, revendications... inauguration.

La conférence inaugurale du Répertoire du théâtre permanent qui a rassemblé une soixantaine de personnes lundi 17 janvier au T.U de Nantes a donné le ton de l’événement. Jusqu’au 11 février, la compagnie Gwenaë l Morin installe son siège au cœur du milieu étudiant nantais. Au programme : 5 pièces de théâtre populaire, 20 représentations, 20 tribunes, 20 ateliers, 1 manifeste.

« Qu’est-ce qu’il attend ? », « Mais, qu’est-ce qu’il fait ? », « Pourquoi il parle de ça ? »... Voilà, quelques unes des réactions que l’on pouvait entendre lors de l’intervention de Jean-Marc Adolphe, directeur de la revue Mouvement, dédiée au spectacle vivant. Ceux qui s’attendaient à une conférence inaugurale classique en sont restés bouche bée. Comme prévu, Jean-Marc Adolphe s’est exprimé autour du thème « (R)assembler », cela dit, il faut bien reconnaître que sa prestation était pour le moins hors-norme et surprenante.

Le directeur de Mouvement se présente devant le micro, l’œil vif et le cheveu hirsute. Il passe sans cesse et sans transition d’anecdotes sans intérêt à des références lourdes de sens. Après avoir évoqué ses positions politiques et ironisé « Je suis Sarkozyste, ça ne se voit pas comme ça. », il s’amuse à imaginer que « Pujadas est en slip ». Suite à quoi, bien sûr, il se gratifie d’être comique.

Créer l’événement : (R)assembler

Il enchaîne avec un happening puisque comme il le dit « toute tribune est un happening, c’est-à-dire ce qui arrive. Des choses doivent arriver pendant cette demi-heure ». En accord avec le décor qui habille le TU pour l’occasion, le fondateur de Mouvement aborde la toute récente Révolution de jasmin en Tunisie. L’orateur demande alors un téléphone pour appeler et remercier Fadhel Jaïbi, un metteur en scène tunisien qui se bat depuis plus de 40 ans contre le pouvoir en place.

Après plusieurs vaines tentatives pour joindre F. Jaïbi, Adolphe ressent le besoin de rassurer le public, il cite John Cage : « L’ennui est très important dans le happening ». Enfin ça sonne. Le haut parleur répand la voix de F. Jaïbi dans toute la salle. J-M. Adolphe annonce fièrement à son interlocuteur : « J’ai un cadeau pour toi ». G. Morin, bras tendu vers le ciel, décompte de la main 3-2-1 ; le public crie un poignant « Merci ! ».

G. Morin s’approche ensuite du téléphone pour lire à son collègue tunisien un passage de Créon dans Antigone se terminant sur ces mots «  il faut se mettre en colère, ensuite on peut aimer ». Le message porté par le théâtre permanent est un message d’amour pour la vie, un message utopiste. J-M. Adolphe achève son intervention sur l’idée que l’utopie est la seule chose qui doit être permanente. Il conclue ainsi «  Ne perdons pas de vue l’utopie ».

Rentrer dans le vif du sujet

« Lorsque je dis ce que je dis, c’est que ce que je dis s’est emparé de moi ». J-M. Adolphe revendique s’inspirer du poète Porchia. Il s’emporte et emporte l’auditoire dans son errance à destination d’une expérience à l’état brut dans l’espace et le temps public. Sous des apparences de désordre, il fait son effet et laisse au public l’impression d’avoir assisté à quelque chose même si on ne saurait dire à quoi. Adolphe résume d’ailleurs ainsi tout l’intérêt du projet de G. Morin : « Il se passe quelque chose ».

Le choix d’attribuer à J-M. Adolphe la charge de cette tribune introductive est loin d’être anodin. Ce personnage à la touche décalée est au diaposon avec la tonalité que donne G. Morin à son théâtre permanent. En effet, le metteur en scène crée un événement populaire, généreux, engagé et vivant.

Maintenant, vous êtes prévenus : tout peut arriver pendant le théâtre permanent, mais si vous voulez savoir quoi, à vous d’être présent !

Caroline Salou

-  Tout le programme sur le site du TU de Nantes

-  Lles rédacteurs de Fragil se mobilisent autour du Théâtre permanent et vous proposent articles, interviews, compte-rendu de tribunes à retrouver sur le site :

La tribune libre du jeudi : Woyzeck : « L’homme est-il toujours libre dans ses choix ? »

Rencontre avec G. Morin : Gwenaël Morin : Le théâtre comme lieu commun

Le regard des comédiens : L’expérience du théâtre permanent vue de l’intérieur