Publié le 5 mai 2010

Romain Ledroit

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A l’occasion de la remise du prix Albert Londres 2010, Frédéric Mitterrand a prononcé un discours sur l’avenir de la presse. En faisant rimer crise économique et révolution numérique, il imagine la rupture avec l’ancien modèle. Sans filet.

« A un moment où la presse tout entière traverse une période particulièrement difficile,
en rupture avec ses anciens modèles, sous la pression de la crise économique 
d’une part, mais aussi, et plus durablement, de la révolution numérique, je tenais à 
(...)donner à la profession les moyens de dépasser cette crise .... ».

le reste du discours à lire ici

Cette récente déclaration fait écho au projet d’abroger la loi Bichet de 1947. Cette loi établit la liberté pour un éditeur de diffuser son support chez les diffuseurs de presse de manière égalitaire. Cette facilité garantit une non-entrave à la diffusion de l’information et donc la pluralité des médias. En apparence, abroger la loi Bichet, c’est mettre fin à cette garantie de pluralité. Le journaliste crie au scandale. Le buraliste, lui applaudit.

Le ton change lorsque l’on rencontre un buraliste nantais : « Un éditeur peut m’envoyer n’importe quel titre de presse, je ne peux refuser ». Avec des invendus sur les bras, ce buraliste est chargé de les renvoyer à l’éditeur. « Du temps et de l’argent pour rien » dans une situation déjà difficile.

Il nous montre une édition qui n’a jamais trouvé preneur en cinq années : Atout timbres, réservé aux philatélistes.

Quelques autres aussi, dont La lettre à Lulu et autres journaux satyrique qui trouvent preneurs, mais pas assez. Là on comprend l’entre deux de l’abrogation de cette loi : on allège la charge des buralistes en enlevant ce qui se vend pas ou peu. Cela n’a pas de rapport avec la qualité éditoriale du support. Atout timbres serait donc le Cheval de troie des anti-Bichet. On détermine l’existence d’un support en fonction de sa rentabilité. La voilà, la rupture avec l’ancien modèle.

Le numérique, la panacée ?

Afin de se dégager de ces contraintes économiques de diffusion, des titres de presse se retrouvent sur Internet. Qui dit numérique, dit moins de contrainte dans l’organisation et dans les charges. Cependant, cela ne rapporte pas non plus. Le Monde récemment a décidé de limiter à une petite partie ses contenus disponibles gratuitement. Le reste devient payant pour essayer de sortir la tête de l’eau. Entre Eldorado et miroir aux alouettes, la « révolution numérique » pour les titres de presse payants depuis toujours n’est pas encore à point.

Illustration et article : Romain Ledroit