FOCUS
Mission to Lars : l’ovni émouvant
Dans le cadre du festival de cinéma britannique, le Katorza présente ce documentaire original retraçant la rencontre entre un homme atteint du syndrome « X fragile  » et le batteur d’un des plus grands groupes de heavy métal au monde.
L’obsession et l’idée. À l’origine il y a ce leitmotiv, cette perpétuelle redondance ressassée à l’envie : « Je veux rencontrer Lars. » Lars, c’est Lars Ulrich, le batteur d’un des plus grands groupes metal de la planète : Metallica. Et celui qui nourrit ce vœu si cher depuis une vingtaine d’années s’appelle Thomas (Tom) Spicer, atteint d’une forme d’autisme léger appelée le syndrome X fragile. Outre le fait d’être un amateur passionné de heavy metal, Tom a aussi la particularité d’avoir une sœur journaliste, Kate, et un frère réalisateur, Will, qui regrettent la distance qui s’est peu à peu installée avec leur aîné. Tom vit en effet en Angleterre dans un institut spécialisé où il travaille à transformer les journaux en litière pour animaux. Sa vie est rythmée de façon métronomique afin d’éloigner les crises d’angoisse que peuvent causer les imprévus sur les individus atteints du syndrome X fragile. C’est pourtant une aventure incroyable que Will et Kate proposent de mettre sur pied : organiser une rencontre entre Tom et son idole lors d’une tournée de Metallica aux États-Unis.
X fragile versus Metallica
Le documentaire suit donc la mise en place d’un véritable plan de bataille très ambitieux qui comprend deux grandes inconnues : les réactions de Tom et les possibles offerts par le groupe mythique lui-même. Fidèle sans doute à la citation de Mark Twain « ils l’ont fait parce qu’ils ne savaient pas que c’était impossible » voilà la fratrie embarquée dans un road movie singulier sur les traces du monstre Metallica. Tom semble d’abord souffrir singulièrement de ce bouleversement, de la perte de ses réconfortantes habitudes et peine à trouver ses marques. Les tensions sont palpables, entre faux espoirs et vrais découragements, sondages intérieurs et remises en question. Will et Kate craignent en effet d’avoir fait preuve d’égoïsme, d’avoir organisé ce voyage davantage pour dédouaner leur culpabilité que pour le réel bien être de Tom qui refuse catégoriquement d’assister au concert de son groupe fétiche.
Tom pénètre dans les coulisses de la tournée, enregistre la voix du manager du groupe comme un talisman, serre des mains, s'habitue à la frénésie des équipes et à la violence sonore
Une rencontre avec une spécialiste américaine du syndrome X fragile expliquera que la perception du son que connaît Tom peut être décuplée par rapport à la nôtre et constituer une violence insupportable pour son cerveau. Comprenant mieux les réticences de son frère Kate lâche prise et s’apaise. Lui faisant écho Tom s’apprivoise lentement et par le truchement d’un casque qui le protège du bruit et d’un enregistreur qui lui restitue un rôle actif dans l’aventure. Il se rapproche de date en date du cœur de l’action : la scène, où se produit le groupe. Parallèlement, la famille Spicer portée par la ténacité de Kate se fait connaître des équipes managériales de la tournée, et le label Mission to Lars ouvre de plus en plus de portes. Ainsi, Tom pénètre dans les coulisses de la tournée, enregistre la voix du manager du groupe comme un talisman, serre des mains, s’habitue à la frénésie des équipes et à la violence sonore. Jusqu’au climax, la rencontre finale entre Tom et un Lars Ulrich miraculeusement disponible, décontracté, chaleureux. Même si le syndrome X fragile le rend naturellement peu expressif Tom s’illumine littéralement, dépasse ses peurs et devient pleinement acteur de son rêve. Le pari insensé est finalement réussi, Kate et Will ont tissé avec cette épopée ce lien unique, cette mémoire qui les unira désormais à leur frère. Les personnes atteintes du syndrome X fragile ayant tendance à se renfermer avec l’âge, il était fondamental de créer un levier pour pérenniser un possible de relation avec Tom.
Satellite of love
Le documentaire ne prétend pas autre chose, à savoir relater une folle histoire qui aurait pu tourner au fiasco avec toute l’honnêteté possible, sans pathos ni fioritures. Une histoire de famille d’abord, qui doit s’adapter à la présence d’un handicap exigeant une grande capacité d’empathie afin d’appréhender l’univers parallèle dans lequel évolue l’un de ses membres. Une histoire de passion aussi, qui tourne à l’obsession chez les personnes ayant le syndrome X fragile, leur cerveau s’avérant incapable de se déconnecter de pensées récurrentes, comme déficient d’un interrupteur naturel. Une histoire d’opiniâtreté enfin, celle de Kate qui n’a jamais vraiment cessé d’y croire et a continué sans relâche à solliciter les équipes de la machine Metallica jusqu’à obtenir le fameux tête-à-tête. L’authenticité indéniable du projet et la singularité du sujet incitent à l’indulgence sur l’aspect assez amateur de la réalisation, l’émotion qui nous est offerte demeurant intacte. Un film profondément attendrissant, à voir et à partager même avec ceux qui détestent cordialement le heavy metal.
Agnès Foissac
Bloc-Notes
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