MONUMENTA 2012
Daniel Buren : artiste à géométrie variable
Chaque année au printemps, le Grand Palais se laisse investir par un artiste contemporain pour l’exposition Monumenta. C’est l’artiste Daniel Buren, qui a été choisi cette année… Point de rayure comme à son habitude pour son installation "Excentrique(s)" mais des ronds pour sublimer la verrière de la Nef. Retour sur le parcours d’un artiste atypique : des colonnes du Palais Royal à Monumenta 2012 en passant par les anneaux du Hangar à bananes.
Il y a 2 ans, Christian Boltanski et son installation Personnes avait fait chavirer les cœurs artistiques. Ambiance mécanique, froide et glauque pour sujet sérieux et grave (la Shoah, la vie, la mort…). L’année dernière, Anish Kapoor avait pris l’option structure gonflable avec son Leviathan impressionnant et volumineux mais manquant d’âme et d’émotion. À l’entrée du Grand Palais, c’est donc la fébrilité qui gagne. Que vaut ce nouveau cru de Monumenta ? Tout commence pourtant très bien quand en arrivant, l’entrée principale est… close. Daniel Buren ne nous fait pas entrer par la grande porte mais par l’ « entrée des artistes », côté Champs Élysées. Bien joué !
Cercles au Grand Palais
On entre alors dans une sorte de sas de décompression, entre la rue et la Nef, histoire de plonger dans l’univers coloré de l’artiste avec un œil neuf. Seul petit bémol : le sas n’est pas dans le noir complet, on aperçoit l’œuvre à l’avance et la surprise en est un peu amoindrie. Sans doute dommage. Encore quelques pas et on accède enfin à l’œuvre in situ… et quelle œuvre ! La commande de Monumenta est simple : « remplir » la nef du Grand Palais et magnifier son élégante verrière. Pour Daniel Buren, la nature concentrique de l’édifice impose ce jeu de cercles, une surprise pour le visiteur, plus habitué aux rayures de l’artiste. Des cercles donc. 380 au total. Autant qu’il en faudra pour remplir la surface. Problème mathématique classique. Multiples de quatre. Des peaux de plastique de couleur (orange, jaune, vert et bleu, les quatre teintes disponible pour ce produit industriel) tendues sur des cerceaux, soutenues par des poteaux noir et blanc (de 8,7 centimètres, la norme de la rayure Buren).
L’effet est bluffant. Quand le soleil pointe son nez sur le dôme de la verrière, les cercles réfléchissent et s’impriment au sol dans un ballet savamment orchestré. Plus le soleil éclaire et plus les cercles sont nets. Quand la lumière diminue, les ronds deviennent flous et l’univers coloré se fait mystérieux. Au centre, juste sous le dôme, des miroirs (sur lesquels on peut marcher, attention donc mesdemoiselles à votre tenue !) pour un effet profondeur garanti ! Au 1er étage, une vue impressionnante sur les 380 cercles, sorte de bassin aux nymphéas que Claude Monet aurait apprécié.
Rayures au Palais Royal
Les visiteurs sont nombreux et semblent ravis, il est loin le temps où Buren ne faisait pas l’unanimité. Comme en 1986 quand le ministère de la Culture lui commande une installation de 3000 m2 dans la cour d’honneur du Palais Royal intitulée Les Deux plateaux, plus communément appelée les Colonnes. Tout comme la Tour Eiffel en 1889, le Centre Pompidou en 1977, l’intégration d’une œuvre contemporaine au patrimoine historique provoque une levée de boucliers. Déjà on y retrouve les bandes de 8,7 cm de largeur, motif récurrent de son œuvre. Noires, rouges, bleues… il les décline dans toutes les couleurs. D’où cela lui vient-il ? D’une toile de store rayée, qu’il voit au marché Saint-Pierre à Paris en 1965. Motif visuel qui deviendra sa marque de fabrique.
Pour la première édition d'Estuaire en 2007, il investit le quai des Antilles sur la pointe de l'île de Nantes avec ses Anneaux.
Anneaux au Hangar à bananes
Mais Buren n’est pas monomaniaque, les rayures bien sûr mais les cercles aussi. Pour la première édition d’Estuaire en 2007, il investit le quai des Antilles sur la pointe de l’île de Nantes avec ses Anneaux. Dix-huit anneaux alignés vers l’estuaire sur une ligne droite parfaite de 800 mètres qui fractionnent le paysage en petites parcelles. Un nouveau regard sur un paysage familier. Une vision parcellaire. Une vision double aussi : acier brut le jour, halo lumineux bleu, rouge et vert la nuit. Double perspective également : celle, architecturale, dessinée par le quai et ses entrepôts et celle, naturelle, de la Loire qui s’ouvre sur l’estuaire.
Des anneaux du Hangar à bananes aux cercles du Grand Palais, Daniel Buren investit donc le paysage environnant pour le sublimer. Ses œuvres in situ, même si elles prennent toute la lumière, laissent vivre pleinement le lieu. Là où d’autres s’en servent comme faire-valoir. « Pour moi, une œuvre sans emplacement n’existe pas » explique-t-il souvent. L’inverse fonctionne aussi : un emplacement sans œuvre n’existe pas vraiment totalement. Le quai des Antilles n’a jamais été aussi majestueux qu’avec les 18 Anneaux de Buren et la Nef du Grand Palais brille de mille feux grâce à ses 380 cercles. Depuis plus de 50 ans, Daniel Buren embellit le quotidien, transforme un coin de rue en œuvre d’art et offre un nouveau regard sur ce qui nous entoure.
Delphine Blanchard
Bloc-Notes
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