Univerciné Cinéma Italien 2010
La vie est différente dans la comédie à l’italienne
Rencontre avec le réalisateur Umberto Carteni
Le festival Univerciné Italien s’est ouvert avec le premier film d’Umberto Carteni Diverso da chi ? (Différent de qui ?). Sous l’angle comique, la différence est ici mise en scène par un triangle amoureux, formé d’un couple homosexuel et d’une femme traditionnelle. Rencontre avec le réalisateur de cette comédie inédite qui a travaillé avec les plus grands réalisateurs italiens, tels Tornatore ou Bertolucci.
Diverso da chi ? met en scène un couple homosexuel trentenaire. Piero est le compagnon de Remo depuis quatorze ans. Ils vivent dans une ville du nord-est de l’Italie. Militant gay, Piero se retrouve par erreur candidat aux municipales. Pour la campagne électorale, il est assisté par Adele, une femme ultra modérée, incapable de faire une phrase sans y glisser le mot famille. Leurs rapports de travail, au départ désastreux, deviennent peu à peu intimes et un triangle amoureux se met en place. Umberto Carteni nous livre ici une comédie élégante, à l’humour léger sans jamais être grossier, et parfaitement ancrée dans la société.
Fragil : Votre film aborde différents sujets d’actualité, tels que l’homosexualité, l’homoparentalité ou encore la coexistence de l’image publique et privée dans la politique. Pourquoi avoir choisi d’aborder – et de surtout de relier – ces sujets si variés ?
Umberto Carteni : Aujourd’hui, en Italie, nous traversons une période de grande fermeture, d’exclusion dans différents domaines, comme l’immigration. J’ai donc eu envie de toucher ce thème de la diversité et de mettre en lien l’homosexualité et la politique, dans une atmosphère empreinte de satire, pour montrer ce qu’il se passe aujourd’hui. Nous sommes encore loin du PACS comme en France et le poids de l’église en Italie reste déterminant. Ces thèmes sont intrinsèquement liés et j’y apporte une vision optimiste emplie d’espoir, malgré la violence envers les homosexuels qui est sous-jacente. Les personnages se révèlent tous positifs, même le maire qui construit des murs dans la ville pour assurer la sécurité des citoyens a son côté amusant. En reliant ces thèmes, l’idée n’était pas de dénoncer mais plutôt de faire sourire sur les défauts de notre société, ces petites manies et autres préjugés. Gomorra de Matteo Garrone, pour prendre un contre-exemple, n’a pas la même ambition, la même puissance ni le même discours.
Le film reste ancré dans la tradition italienne : faire rire et pleurer en même temps.
F : Votre film s’avère être résolument moderne. Comment avez-vous abordé ces thèmes encore très sensibles sans tomber dans les clichés ou autres stéréotypes liés à l’homosexualité ?
U.C. : L’idée est simple, j’ai voulu inverser le schéma habituel dans la manière de traiter la différence. Piero et Remo, le couple gay, se trouve être le couple « normal » alors qu’Adele, la femme traditionnelle, incarne la différence. C’est un renversement intéressant qui permet de s’interroger sur cette notion de « normalité » et qui permet de mettre en lumière les préjugés présents en chacun de nous. Il y a une citation d’Adele à la fin du film qui illustre bien ce basculement : « Au fond, c’est de la discrimination car je suis une femme ». L’aspect de la différence change par rapport au point de vue de chacun. J’ai également fait le choix de ne pas situer l’action dans une réalité géographique. On devine que cela se déroule dans le nord de l’Italie, sûrement Trieste. Mais cela permet de raconter une histoire universelle.
F : La scène d’introduction est particulièrement puissante. On y voit deux hommes faisant de l’aviron. En fond sonore, James Brown et son célèbre “It’s A Man’s, Man’s, Man’s World”, qui s’accorde sur le baiser de ces deux hommes. Une scène choc pour débuter le film, était-ce un choix volontaire ?
U.C. : J’ai voulu montrer en une image, en un plan, la relation de ce couple, le tout sans un seul mot. C’est une scène forte qui introduit bien le film mais dire qu’il s’agit d’une scène choc, je ne pense pas. Il peut y avoir, et nous l’avons observé, une relative gêne de la part du public. Mais la parfaite synchronisation avec la musique de James Brown apporte une bonne dose d’humour.
F : Justement, vous renouez avec le genre de la comedia all’italiana. Pourquoi avoir choisi ce genre si symbolique de l’Italie ? Que souhaitiez-vous faire passer comme message ?
U.C. : Le terme « renouer » est peut-être un peu fort. Ce qui a été fait dans ces années est unique et ne peut pas être répété. J’ai souhaité créer une nouvelle poussée à la comédie actuelle en essayant de travailler davantage sur l’image, la mise en scène et la musique. Pour vous donner un exemple, j’ai refusé d’utiliser un unique thème musical, comme le piano habituellement. Nous avons fait le choix d’une bande son des années soixante-dix, avec entre autres James Brown ou Aretha Franklin. C’est une sorte de provocation de ma part, faire l’inverse de ce que l’on attendait. Mais l’âme de la comedia all’italiana demeure intacte. Ma volonté première était d’utiliser les clés de la comédie italienne pour raconter une histoire. Sans tomber dans le drame, ni faire peur. C’est en cela que le film reste ancré dans la tradition italienne : faire rire et pleurer en même temps. L’humour permet de faire passer le message sans être moralisateur ou indigeste. Je pense me rapprocher davantage des films de Muccino, qui a réinventé la comédie italienne plus récemment.
Caroline Dubois
Trailer :
Liens :
>Un autre aspect de la comédie italienne
Cet article a été réalisé conjointement par une équipe d’étudiants du Département Infocom de l’Université de Nantes.
Equipe : Solène Castex, Jean Annaix, Thomas Cléraux, Caroline Dubois. Coordination éditoriale et pédagogique : Emilie Le Moal et Renaud Certin.
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