Festival des 3 Continents 2009
Abus et injustices en Chine : le documentariste Zhao Liang dénonce !
Rencontre avec Jérôme Baron, programmateur des séances Hors compétition
Diffusé dans le cadre des séances spéciales Hors compétition, Pétition : la Cour des plaignants est un documentaire saisissant dénonçant les abus et injustices des autorités locales d’une Chine en plein essor économique. Entièrement rythmé par une succession de témoignages, le film accompagne les pétitionnaires venus de toute la Chine dans l’espoir de porter plainte à Pékin.
Vivant dans des abris de fortune depuis des mois voire des années, entre espoir et désespoir, les pétitionnaires s’obstinent et persévèrent pour obtenir justice
Avec Crime and Punishment, Montgolfière d’Or au Festival des 3 Continents en 2007, puis Pétition : la Cour des plaignants présenté dans la sélection Hors compétition à Cannes en 2009, Zhao Liang s’est imposé comme un réalisateur consacrant sa carrière à dénoncer les déviances et contradictions de la Chine actuelle. Sa passion pour la photographie et son art du cadrage transparaissent très nettement au travers de ses films, dans une esthétique mêlant le ton du reportage et un traitement très personnel de l’image.
Critique du système communiste chinois
« Zhao Liang est un grand réalisateur chinois à l’initiative d’un film remarquable », nous confie Jérôme Baron, l’un des deux programmateurs des séances Hors compétition du Festival des 3 Continents 2009. Pour son documentaire Pétition : la Cour des plaignants, le réalisateur a filmé des plaignants de 1996 jusqu’à l’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin en 2008. Caméra sous la main, huit années de tournage solitaire aux conditions précaires, entre 300 et 400 heures de rush au total : plus qu’un projet, l’aboutissement du film reflète une véritable obstination du réalisateur, celle de donner voix à la parole non entendue des plaignants, rassemblés près des bureaux des plaintes à Pékin. Un corps incinéré sans explications par la médecine du travail, des paysans chassés de leurs terres, des accidents ressemblant étrangement à des assassinats, des petits propriétaires dont on a démoli sans explication ni compensation les maisons, … tous les cas même les plus improbables sont représentés. Vivant dans des abris de fortune depuis des mois voire des années, entre espoir et désespoir, tous s’obstinent et persévèrent pour obtenir justice. De tous ces portraits, celui de Qi et de sa fille Juan, dont nous suivons le parcours, transparaît comme un leitmotiv lancinant de la détresse et de l’impuissance.
La caméra comme tribune populaire
Avec de nombreux regards vers le spectateur et des plans presque entièrement tournés en caméra épaule, Pétition : la Cour des plaignants nous transmet le regard pudique et respectueux du réalisateur. « Zhao Liang sait faire scène, donner à voir et à entendre sans être intrusif », nous explique Jérôme Baron. Et d’ajouter : « Il nous dépeint un véritable théâtre de la vie, celui des difficiles conditions du quotidien des plaignants, mais sans pour autant tomber dans le misérabilisme ». Malgré l’absence de dialogues entre le réalisateur hors-champ et les plaignants, le film n’en reste pas moins fortement imprégné de la présence de Zhao Liang et de sa volonté de transmettre leurs témoignages. Leur rendant visite régulièrement, le réalisateur a prêté une oreille attentive à leurs histoires, instaurant une certaine relation de confiance. Pendant huit ans, la caméra du réalisateur est devenue la tribune de ces plaignants. Une tribune de fortune, mais qui a permis de véhiculer une parole libre.
Un tournage clandestin
Pétition : la Cour des plaignants illustre donc l’aboutissement d’un engagement véritable, celui d’un réalisateur chinois contre les abus des pouvoirs locaux. Ce film fut tourné clandestinement, en témoigne la qualité variable de l’image parfois pixellisée à outrance, ce qui a permis à Zhao Liang d’échapper à la censure et de le diffuser dans des cinémas en Chine. « Malgré les conditions de diffusion une nouvelle fois précaires du fait de la saisie des copies ou encore de l’arrêt des projections dû aux pannes d’électricités, le film a néanmoins pu être proposé à un vrai public constitué de près de cinq cents personnes », nous raconte le programmateur. Zhao Liang, un grand cinéaste engagé, que Jérôme Baron tenait absolument à faire découvrir ou redécouvrir au sein du festival à travers un documentaire poignant et édifiant s’achevant sur le feu d’artifice de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de 2008 à Pékin…
Solène Castex
Plus d’infos
Site du Festival des 3 Continents
Cet article a été réalisé conjointement par une équipe d’étudiants du Département Infocom de l’Université de Nantes.
Equipe : Solène Castex, Jean Annaix, Thomas Cléraux, Caroline Dubois. Coordination éditoriale et pédagogique : Emilie Le Moal.
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