Festival des 3 Continents 2008 - Nantes
Cinéma d’Equateur : la jeunesse au pouvoir
Philippe Jalladeau, directeur artistique du F3C, en dresse le portrait
Evénement habitué à la présence de grands noms du cinéma international, le Festival des 3 Continents permettait cette année au public nantais de suivre les premiers pas du cinéma équatorien, présenté comme un cinéma extrêmement jeune et inventant son histoire. La production cinématographique du pays, relancée par les nombreuses mutations de sa société, explore tous les genres sans toutefois oublier sa culture et son histoire.
En 1990, Philippe Jalladeau était allé à la rencontre du cinéma équatorien, qu’il avait l’intention de programmer pour l’édition 1991 du F3C : « Je suis rentré d’Equateur bredouille, il n’y avait rien. En Equateur des films avaient été tournés mais ils avaient disparus, aucune trace ne subsistait. Les réalisateurs d’aujourd’hui sont donc partis de rien, sans filiation. ».
Un cinéma orphelin
Le directeur artistique des 3 Continents qualifie donc de nouvelle vague cette génération de réalisateurs qui a réussi le tour de force de construire, seule, une culture cinématographique équatorienne : « C’est très difficile de faire des films dans un cinéma sans histoire. En France c’est différent : on y trouve une certaine continuité dans le cinéma, car actuellement les réalisateurs sont redevables de la Nouvelle Vague qui, elle-même, était redevable de Renoir. » En Equateur, les réalisateurs n’ont pu commencer à se faire connaître que tardivement, dans le courant des années 90. Cette nouveauté n’est cependant pas le fruit du hasard mais le résultat d’évolutions, parfois propres à ce pays.
Oniriques ou réalistes, contemplatifs ou nerveux, les films équatoriens ont définitivement de beaux jours devant eux.
Une convergence de mutations
L’équateur a bénéficié des nombreuses mutations de sa société, notamment politico-économiques. Le projet d’une nouvelle constitution a d’ailleurs récemment été voté par le pays, évènement symbolique du renouveau équatorien. Il faut rappeler que le pays a connu la dictature durant les années 60 (le film de Luzuriaga Entre Marx y una mujer desnuda prend cette période comme arrière plan historique) et qu’il est depuis peu dirigé par un président socialiste, Rafael Correa. Sous son impulsion, des fonds ont été débloqués pour la création cinématographique par l’Etat. « Aujourd’hui, en Equateur, des lois sont votées en faveur de la production. Un centre de création cinématographique pourvu d’un budget de création vient d’être construit. »
Mais ce sont également des mutations technologiques qui ont provoqué l’essor du cinéma : le numérique a permis le tournage et la conservation de films, chose impossible dans les années 90 et avec le 35mm. Ce phénomène « exemplaire » explique le choix du festival de lui consacrer une sélection complète tout en précisant, enthousiaste : « Il n’y a pas que l’Equateur ; on peut citer le Panama, l’Uruguay, le Paraguay. C’est formidable, et tout ça grâce aux nouvelles technologies. » Ces facilités techniques offrent alors aux créateurs la possibilité de se lancer dans la production d’œuvres très diverses.
un cinéma hétéroclite et bouillonnant
On ne peut pas parler d’une école équatorienne, car les réalisateurs du cinéma équatorien bouillonnent et s’adonnent en fait à des genres disparates. Camilo Luzuriaga, en réalisant Entre Marx y una mujer desnuda, a choisi de traiter la période de la dictature durant les années 60 à travers le regard d’un écrivain, membre d’un parti marxiste. Luzuriaga prit le parti de mélanger le réalisme terrible des scènes de répression et l’onirisme des fantasmes de cet écrivain rêvant à l’amour et au sexe.
Le tout premier film de Tania Hermida Qué Tan Lejos, produit en 2006, présenté durant ce festival, a été récompensé à de nombreuses occasions (Montréal et Sao Paulo, entre autres) et connaît un joli succès international. Il prend la forme plutôt classique d’un road-movie à travers les paysages magnifiques de l’Equateur. Le spectateur suit Esperanza (Espoir) et Tristeza (Tristesse), qui sillonnent le pays en multipliant les rencontres insolites.
Dans un tout autre genre, Cronicas, de Sebastian Cordero, produit en 2002 opte pour le genre du thriller. Ce genre n’a pas rebuté le Festival des 3 Continents qui lui a trouvé une place dans son panorama.
Oniriques ou réalistes, contemplatifs ou nerveux, les films équatoriens témoignent d’un cinéma jeune et bouillonnant qui a définitivement de beaux jours devant lui.
Alexis Annaix
Photo P.Jalladeau : Erwin Eninger
Cet article a été réalisé conjointement par une équipe d’étudiants du Département Infocom de l’Université de Nantes. Equipe : Alexis Annaix, Antoine Bernier, Erwin Eninger, Aurélien Lahuec, Marco Streit. Coordination éditoriale et pédagogique : Renaud Certin et Emilie Le Moal.
Le regard de Fragil sur les 3 Continents 2008.
Tout sur les 3 Continents, jour par jour, année après année.
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